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Grieg Edvard
1843-1907

Grieg Edvard

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Né à Bergen (Norvège), 15 juin 1843 ; mort à Bergen, 4 septembre 1907.

Sa mère, Gesine Judith Hagerup est la fille d'un gouverneur provincial. Elle reçoit une solide formation musicale, notamment avec Albert Methfessel (1785-1829) à Hambourg. Elle est pianiste et professeur de piano.

Grieg Edvard Les parents, Gesine et Alexander Grieg.

Son grand-père, John Grieg, fils d'immigré écossais (Alexander Greig, originaire de Cairnbulg, 1739-1803), musicien amateur, joue dans l'orchestre de la Société Philharmonique de Bergen sous la direction de son beau-père, Niels Haslund.

Son père, Alexander Grieg est commerçant et consul d'Angleterre à Bergen. Il se marie avec Gesine Judith Hagerup en 1838. Edvard Grieg est le quatrième enfant sur cinq. La famille vit dans l'aisance.

BergenBergen Bergen à la fin en 1899.

Dès l'âge de six ans, il suit les leçons de piano de sa mère. Il travaille particulièrement sur des œuvres de Mozart, Weber, Chopin.

En 1853, la famille s'installe à Landås, ville natale de Gesine Judith Grieg, à deux kilomètres de Bergen. Chaque jour, avec son frère John, il se rend à pied à l'école de Bergen. Ses premières compositions datent de 1858.

BergenLa propriété des Grieg à Landås en 1865-1870.

En été de la même année, le violoniste virtuose Ole Bull (1810-1880) de Bergen, convainc les parents d'inscrire leur fils au Conservatoire de Leipzig. Il a tout d'abord Louis Plaidy (1810-1874) comme professeur de piano, puis E. F. Wenzel, enthousiaste défenseur de la musique de Schumann. Pour l'harmonie et le contrepoint, il suit les cours de Ernst Friedrich Eduard Richter (1808–1879), de Robert Papperitz et de Moritz Hauptmann (1792-1868). Il reçoit les conseils d'Ignaz Moscheles (1794-1870) pour le piano, et durant sa dernière année au Conservatoire de Leipzig, il a Carl Reinecke (1824-1910) comme professeur de composition.

Leipzig Le Conservatoire de musique de Leipzig.

Edvard Grieg à Leipzig en 1862.

Durant son séjour à Leipzig, il a l'occasion de se rendre à la Gewandhaus où il entend les œuvres de Robert Schumann ou de Wagner. En 1860, ses études sont un moment interrompues par une pleurésie. Il compose ses deux premiers opus en 1661. Il quitte le Conservatoire de Leipzig en 1862 après avoir présenté ses Quatre pièces pour piano  (opus 1) à l'examen.

Edvard Grieg et son frère John à Leipziog, vers 1860. Edvard Grieg et son frère John à Leipzig, vers 1860.

À cette époque, son frère John suit des cours de violoncelle au Conservatoire de Leipzig.

Il commence une carrière de pianiste, joue et fait jouer quelques unes de ses œuvres. Une bourse d'études lui est refusée. Il part à Copenhague en mai 1863.

Il rencontre Niels Gade (1817-1890), maître de l'école romantique scandinave, ami de Félix Mendelssohn et de Robert Schumann. Gade lui demande comme exercice de composer une symphonie. Le manuscrit daté du 2 mai 1864 est barré de la main de Grieg « ne jamais jouer ». La vie artistique de Copenhague est alors animée par les musiciens Emil Hartmann, Christian Frederik Horneman, Gottfred Matthison-Hansen, Julius Steinberg et les écrivains Benjamin Feddersen et Hans Christian Andersen. Copenhague, dans le milieu de Grieg est alors considéré comme le centre culturel de la Scandinavie.

Il compose le Poetiske tonebilleder pour piano et une série de romances qui amorcent son identité musicale. En juillet 1864 il rencontre sa cousine et chanteuse Nina Hagerup.

Il passe l'été 1864 en compagnie d'Ole Bull à Osterøy. Ils jouent les classiques, mais Bull lui transmet une partie de son enthousiasme pour la culture populaire norvégienne. En hiver 1864-1865, de nouveau à Copenhague, il rencontre Rikard Nordraak (1842-1866), compositeur de l'hymne national norvégien sur un texte de son cousin Bjørnstjerne Bjørnson. Nordraak a composé la musique de scène de Sigurd Slembe de Bjørnson et travaille sur une Maria Stuart i Skotland toujours sur un texte de son cousin.

Avec Rikard Nordraak, Christian Frederik Horneman et Gottfred Matthison-Hansen, Grieg participe à la fondation de l'association « Euterpe », pour la promotion de la musique scandinave. Il reconnaît sa dette avec l'Humoresque pour piano opus 6, première de ses œuvres ouvertes à l'influence de la musique populaire norvégienne.

Les initiateurs d' « Euterpe » : Horneman, Grieg et Nordraak Christian Frederik Horneman et Edvard Grieg.

En 1866, Grieg visite Leipzig où ses deux sonates sont jouées, et se rend à Rome. Il rencontre pour la première fois Ibsen qui vit à Rome depuis 1863. Nordraak meurt à Berlin le 20 mars 1866 de la tuberculose. Grieg compose une Marche funèbre à sa mémoire datée du 6 avril. Sa tombe, à Berlin, est retrouvée en 1906 et Grieg y fait ériger une pierre tombale. Un monument est édifié par  Gustav Vigeland à Oslo en 1911, le corps est ramené à Oslo en 1925.

Il n'obtient pas le poste convoité de directeur musical au Théâtre de Christiana (Oslo) où Bjørnson a été nommé. Le 15 octobre 1866, il donne son premier concert à Christiana (Oslo) avec des musiques norvégiennes (Nordraak, Kjerulf et Grieg : Humoresque et  les deux sonates). Nina Hagerup et le violoniste Wilma Neruda y prennent part.

Nina Hagerup Grieg.Nina Hagerup Grieg.

Ce concert participe à la renommée de Grieg et facilite ses activités de professeur et de concertiste. Avec le critique Otto Winter-Hjelm, il projette la fondation d'une Académie norvégienne de musique qui ouvre ses portes le 14 janvier 1867. Le 11 juin 1867, il se marie avec Nina Hagerup. Il achève en juillet son opus 13, la seconde Sonate pour violon. Elle est dédicacée à Johan Svendsen (1840-1911) qui vient diriger sa symphonie en re majeur, œuvre qui laisse une forte impression à Grieg.

Nina Grieg avec sa fille AlexandraLe 10 avril 1868, Nina met au monde une fille, Alexandra. En juin ils séjournent au Danemark, à Søllerød, ou Grieg achève la composition de son concerto en la mineur pour piano.

De retour à Christiana (Oslo) à l'automne 1868, il organise une série de concerts et s'occupe à affermir sa situation financière. Il reçoit les encouragements de Liszt, qui apprécie particulièrement sa sonate pour violon opus 8 et qui l'invite à Weimar.

Le 3 avril 1869, Edmund Neupert crée à Copenhague son concerto pour piano. Alexandra Grieg meurt le 21 mai 1869 à l'âge de 18 mois.

Il s'occupe activement avec Lindemans de collecter des musique populaires. Il passe l'été suivant dans le domaine familiale de Landås, et grâce à une subvention, peut séjourner à Rome de décembre à avril 1870. À Rome il rencontre Liszt. De retour à Christiana (Oslo) à l'automne 1870, il collabore avec Bjørnstjerne Bjørnson pour plusieurs œuvres. Pour assurer ses revenus financiers, il dirige et joue dans de nombreux concerts, et à l'automne 1871, il participe à la fondation de la Société de musique de Christiana (Oslo), dont il dirige les concerts, pour promouvoir la musique orchestrale. En mai 1872, Sigurd Jorsalfar de Bjørnson avec une musique de Grieg est créé au théâtre de Christiana (Oslo) et les deux amis pensent à un opéra sur un sujet norvégien.

Le 10 juillet 1873, Grieg reçoit de Bjørnson les premières scènes d'un livret intitulé Olav Trygvason, qui devient l'objet d'une abondante correspondance. En janvier 1874, Ibsen lui demande de composer la musique de scène pour Peer Gynt. Le projet d'opéra tombe dans l'oubli. Une subvention du gouvernement de 1 600 couronnes annuelles lui donne le loisir de composer tranquillement. Il quitte Christiana (Oslo) en juin 1874 pour Sandviken à quelques kilomètre au nord du centre de Bergen. C'est là, mais aussi au Danemark et à Leipzig qu'il se consacre à la commande d'Ibsen. La partition est achevée en juillet 1875, la première de Peer Gynt a lieu le 24 février 1876.

En août il est à Bayreuth pour le premier festival du Ring, sur lequel il écrit des critiques pour le journal « Bergensposten »

En 1878, pour financer un voyage de loisir, il entreprend une tournée de concerts qui dure près de deux années en Allemagne et eu Danemark.

Après une période de quasi stérilité créatrice, il est de 1880 à 1882 chef à la Société Philharmonique de Bergen. Il achève son opus 33, des romances sur des textes de Vinje. Début 1883, il reçoit une commande de l'éditeur de musique de Leipzig, Peters, pour un second concerto pour piano qu'il ne finit pas, mais termine la sonate pour violoncelle, opus 36, les Valses-Caprices, pour deux piano, opus 37 et la seconde série de Pièces lyriques, opus 38. Mais il est mécontent de son travail et la mésentente s'installe dans le couple. Il part à Bayreuth assister à une représentation de Parsifal, et accomplit une tournée de concerts en Allemagne et en Hollande. Au début de 1884, grâce aux efforts de leurs amis Marie et Frantz Beyer, les Grieg se réconcilient et séjournent quatre mois à Rome.

Une partie de l'été 1884 est consacrée à honorer une commande pour le bicentenaire de la naissance de Ludvig Holberg. Il donne une cantate pour voix d'hommes et la suite Fra Holberg, œuvre à l'origine pour piano et orchestrée pour cordes. Il s'occupe de la construction  de sa maison à Troldhaugen avec l'architecte Schak Bull. Les Grieg y habiteront définitivement dès avril 1885.

La maison des Grieg à TroldhaugenLa maison des Grieg à Troldhaugen La maison des Grieg à Troldhaugen (Les Grieg sur le pas de porte).

Dès lors la vie de Grieg est régulière. Le printemps et le début de l'été sont consacrés à la composition. Le reste des beaux jours, il randonne dans les montagnes, le plus souvent en compagnie d'amis ou de visiteurs. En automne et en hiver il donne des concerts comme dirigeant ou pianiste, avec Nina qui chante ses romances. Ces tournées régulières lui permettent d'établir un cercle de correspondants à l'étranger et de faire connaître sa musique : Allemagne, Hongrie, Hollande, Angleterre, France, Pologne (Varsovie à partir de 1902). Il rencontre de nombreux musiciens dont Brahms ou Tchaïkovski à Leipzig en 1887.

Nina et Edvard Grieg.Nina et Edvard Grieg.

En 1891, il est membre et correspondant de l'Institut de France.

En hiver 1891-1892, le jubilée pour ses 25 ans d'activité de concertiste est officiellement fêté, ainsi que ses noces d'argent en 1892 qui donnent lieu à une fête populaire.

En 1893 il est docteur honoris causa à Cambridge, et au printemps séjourne à Manton avec Christian Sinding à l'invitation de Max Abraham. Il passe l'été au Danemark où il rencontre Ibsen.

En 1896, à l'occasion de concerts à Leipzig ou Vienne, il rencontre Brahms à plusieurs reprises. Au printemps, il dirige le Berliner Philharmoniker à Copenhague.

En 1898 il organise et dirige le premier festival de musique Norvégienne à Bergen où il a invité le Concertgebouw d'Amsterdam qu'il a dirigé l'année précédente.  En raison d'une santé fragile, il décommande ses voyages en Espagne et aux États-Unis, et en 1900 il doit séjourner trois mois en sanatorium en raison de difficultés respiratoires. En 1906 il est docteur honoris causa à Oxford. Il est membre de l'Institut de France.

Edvard Grieg posant pour Werenskiold en 1902. Edvard Grieg posant pour Werenskiold en 1902.

Pensant que l'air de Christiana (Oslo) serait favorable à sa santé déclinante, il s'installe en hiver 1906-1907 dans un hôtel de Christiana (Oslo). Il entreprend une dernière tournée au Danemark et en Allemagne.

Extérieur et intérieur du cabanon de travail à Troldhaugen

Extérieur et intérieur du cabanon de travail à Troldhaugen Extérieur et intérieur du cabanon de travail à Troldhaugen


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Catalogue des œuvres

Écrits

Bibliographie

Documents

Les Annales du Théâtre et de la musique (1903). Société d'éditions littéraires et artistiques, Librairie Paul Ollendorff, Paris 1904. p. 477-478 [Le Concert Colonne]

Ne faisons pas de politique. Quelle idée — plutôt fâcheuse —  prit-il un jour à M. Edward Grieg, — dont nous avions toujours applaudi la musique, — de se mêler de ce qui ne le regardait aucunement, et d'écrire à M. Colonne, au mois de septembre 1899, pour lui faire savoir « qu'après l'issue du procès Dreyfus il ne pouvait se décider à venir en France maintenant... Comme tous les étrangers, ajoutait-il, je suis indigné de voir le mépris avec lequel on traite la justice dans votre pays, de sorte que je me trouve dans l'impossibilité d'entrer en relations avec un public français... »

Quatre ans se sont passés, et en l'absence de M. Colonne dirigeant au Lyceo de Barcelone une série de belles représentations de Tristan et Iseuit, qu'illustrait le précieux concoursde Mme Adiny, M. Grieg se présentait, le dimanche 9 avril, au Châtelet pour y donner un concert exclusivement composé de ses oeuvres. Reçu. tout d'abord, par les cris: « A la porte !...  Des excuses !...» le compositeur norvégien fut bien vite rassuré : les protestations cessèrent, le bruit se calma, et il n'y eut plus pour lui — les Français ne formaient pas la majorité de la salle — que des applaudissements. Il en eut même un peu trop...

Certes, nous savons toute la valeur du maître qui a su enrichir l'art musical d'une note nouvelle. Dans toutes les oeuvres de Grieg est répandue une sorte de mélancolie, un sentiment de langueur dont l'impression ne s'émousse pas et ne fatigue jamais. Même dans les petites pièces, le compositeur sait faire ressortir son dédain de la mélodie banale et sa recherche d'un idéal élevé. Certaines de ses compositions sont tellement empreintes du caractère norvégien qu'on les considère comme des mélodies nationales. Edouard Lalo n'a-t-il pas fourni une preuve à l'appui de ce dire, en prenant pour thème de sa Rapsodie, célèbre aujourd'hui dans le monde entier, une composition populaire de Grieg ? Exquise, sans doute, est la musique de Peer Gynt, d'lbsen, dont on a redemandé la savoureuse Danse d'Anitra, et le chaud épisode Chez le Roi des montagnes.

Charmant est le concerto de piano avec orchestre, où, dans la Dernière partie notamment, le musicien s'est visiblement inspiré du concerto de Schumann ; la richesse du rythme, le caractère de la mélodie, la perfection de la facture sont remarquables en cette composition écrite d'ailleurs pour les illustres virtuoses de l'art moderne : Raoul Pugno, qui la jouait si merveilleusement, y établit solidement, il y a quelques années, sa renommée de grand pianiste. Mais que nous voulaient ce gâchis orchestral, intitulé En Automne, ces si peu interessantes Mélodies élégiaques pour instruments à cordes, cette niaise composition, A la porte du cloître (pour soli : Mille Ellen Guibrauson, du théâtre de Bayreuth, Mlle Clamous, du Conservatoire et choeur de nonnes) qui, véritablement, ne méritaient pas l'honneur titre acclamés comme des chefs-d'oeuvre ? Mais, je vous l'ai dit, on était parti pour un enthousiasme de commande, ridiculement exagéré...

Edvard Grieg, Par Harald Herresthal, Professeur au Conservatoire national supérieur de musique, à Oslo

A l'automne de 1858, Edvard Grieg, alors âgé de 15 ans, se rend à Leipzig pour y étudier la musique au Conservatoire de la ville. Il y suit l'enseignement des plus grands maîtres et quitte quatre ans plus tard l'institution avec un solide bagage d'instrumentiste et de compositeur. Pendant les années suivantes et jusqu'en 1866, Grieg vit à Copenhague, qu'il ne quitte que pour de brefs voyages d'études. Dans la capitale danoise, il prend conseil auprès du célèbre compositeur Niels W. Gade, qui l'encourage à écrire une symphonie. Cette œuvre, exécutée à plusieurs reprises, Grieg la reniera par la suite. « Ne doit jamais être jouée » : cette mention barre la partition. Malgré l'interdiction, cette symphonie a été remise au répertoire voici quelques années et gravée sur disque. L'œuvre de jeunesse de Grieg résiste à l'examen et permet aujourd'hui de mieux mesurer l'évolution artistique et musicale de son auteur.

La Symphonie en ut mineur témoigne à la fois de la maîtrise technique et de l'inspiration du compositeur. La Sonate pour piano et la Sonate en mi majeur pour violon de 1865, toutes deux d'excellente facture, confirment ce sentiment.

Dans un premier temps, Grieg appuie son langage musical sur la tradition romantique allemande. Au fil du temps, le sentiment d'une appartenance nationale s'impose à Grieg, qui ressent un désir croissant de créer un style typiquement norvégien. Ses amitiés et ses contacts avec d'autres jeunes Norvégiens apportent à cette question une actualité brûlante. À Copenhague, Grieg fait la connaissance de Rikard Nordraak (1842-1866), qui a mis en musique l'hymne national norvégien. Comme compositeur, Nordraak n'a pas l'envergure de Grieg, mais il est le fougueux porte-parole de ceux qui désirent créer une musique fondée sur les anciennes mélodies populaires. Quand en 1866, Edvard Grieg s'installe à Christiania (aujourd'hui Oslo), il y subit l'influence d'un autre compositeur, Otto Winter-Hjelm (1837-1931). Winther-Hjelm conçoit avec une grande clarté comment les éléments de musique populaire peuvent constituer la base d'un langage musical national élargi. Ludvig Mathias Lindeman (1812-1887) mérite d'être mentionné, lui aussi. Il a collecté les airs populaires norvégiens qui ont été la substantifique moelle du Grieg compositeur. Plus tard, Grieg découvrira et tombera sous le charme des airs folkloriques dans leur milieu d'origine. En effet, une transcription d'un air populaire ne rend qu'imparfa itement compte de l'atmosphère, des rythmes et des harmonies envoûtantes qui naissent sous les doigts des musiciens traditionnels.

Désireux de vivre de son art en Norvège, Grieg se consacre essentiellement à ses activités de concertiste et de pédagogue dans la capitale norvégienne. La composition, il s'y adonne pendant les vacances d'été. Au cours de ces années, il déploie une activité considérable. C'est grâce à lui que la capitale se dote d'un chœur et d'un orchestre, dont la permanence relative lui permet de parfaire son art de l'orchestration. Au cours d'un été passé au Danemark, Grieg, alors âgé de vingt-cinq ans, achève son premier grand chef d'oœuvre, le Concerto pour piano en la mineur. Ce concerto s'est petit à petit imposé comme le symbole même de la conscience norvégienne. Aujourd'hui, il fait partie du répertoire international pour piano. Il ne se passe pas un mois sans que  quelque part dans le monde  ce concerto ne trouve le chemin du public. Et chaque fois, l'interprète comme les auditeurs l'associent à la Norvège. Quoique ce concerto ait été influencé par des modèles européens, Grieg est parvenu à fondre ses impressions dans le creuset de la musique populaire norvégienne. Ce concerto témoigne de sa perception de la nature et du peuple norvégiens. Avec les années, la musique de Grieg s'est identifiée à la voix de la Norvège.

Déjà du vivant de Grieg, l'impression prévalait qu'un lien très particulier unissait sa musique, d'une part, les paysages et le mode de vie de son entourage, de l'autre. Son premier biographe, Aimar Grønvold, contribue à renforcer cette impression en relatant un fait dont il a été le témoin. Un jour d'été des années 1880, Grønvold passe en bateau devant le petit hameau d'Ullensvang, dans le Hardanger. Il aperçoit la mince silhouette d'Edvard Grieg marchant à pas rapides le long du fjord, à Lofthus, dans les rochers et les éboulis. Il se dirigeait vers une petite éminence sur laquelle s'élevait le modeste chalet qu'il avait fait construire pour pouvoir y composer. Ce chalet  une seule pièce en vérité surplombait le fjord, dans l'exquise beauté d'Ullensvang. Sur la rive opposée du Hardanger profond et sombre, les cimes du glacier de Folgefonna scintillaient au soleil. Chaque été, parfois aussi l'hiver, Grieg venait y chercher le calme et la paix dont il avait besoin pour composer. Au cœur de cette nature incomparable, dans un paysage norvégien grandiose, il avait installé son piano et son pupitre. Tel un nouvel Orphée, il jouait en harmonie avec la flore et la faune, avec les paysans dont le dialecte rapide et sonore chantait à ses oreilles, il vibrait à l'unisson du paysage fascinant et changeant du Hardangerfjord. Grønvold en conclut qu'il existe un lien puissant et indissoluble entre le milieu dans lequel Grieg écrit et la musique qu'il compose. Il est presque impossible d'écouter Grieg  au concert ou dans un salon  sans sentir la brise légère et fraîche qui monte des eaux bleues, sans entrevoir l'éclat des glaciers, sans entendre l'écho des montagnes abruptes et de la vie des fjords de la Norvège occidentale, ce pays où le musicien est né et qu'il a tant aimé parcourir.

Cette image romantique du compositeur, de son environnement et de son art n'est cependant qu'une partie de la vérité. Grieg n'eut pas le succès facile. Sa vie fut un combat dans lequel il connut succès et revers. De 1860 à 1870, il lui faut travailler d'arrache-pied pour faire vivre sa famille, comme chef d'orchestre, chef de chœur, enseignant et.. interprète. Ces efforts sont reconnus par ses contemporains, mais le succès du compositeur se fait attendre auprès des musiciens et du public. Ses harmonies paraissent dissonantes et peu orthodoxes à un public qui tente encore de comprendre la musique de Beethoven et de Mozart. Il lui est impossible de rester longtemps dans un tel milieu sans perdre sa verve artistique. Les peintres norvégiens, Hans Gude en tête, avaient, plusieurs années auparavant, tiré les conséquences logiques de la situation culturelle du pays. Chaque été, au cœur des montagnes, ils faisaient des croquis et les esquisses des tableaux que, l'automne venu, ils allaient achever à Düsseldorf, où ils trouvaient preneurs. Les poètes Bjørnstjerne Bjørnson et Henrik Ibsen étaient eux aussi contraints d'aller régulièrement se ressourcer en Allemagne, en France ou en Italie. Grieg choisit lui aussi ce mode de vie. Il se résout à composer sa musique dans son pays natal, mais dépend pour son inspiration des grands centres musicaux européens. Pour pouvoir vivre de ses compositions, il lui faut un marché plus vaste que la Norvège et la Scandinavie. Les dix albums de pièces lyriques  imprimés chez Peters à Leipzig, à l'atmosphère simple et intime, ont beaucoup contribué à faire connaître et apprécier son nom, car ils figurent en bonne place dans tout foyer européen doté d'un piano. Ses oeuvres pour piano lui valent de son vivant le surnom de « Chopin nordique ».

En 1869, bénéficiant d'une bourse de l'État, Grieg se rend en Italie. Sa rencontre avec Franz Liszt et les cercles artistiques de Rome renouvellent son inspiration et lui redonnent confiance. Il revient à Christiania en 1870, débordant d'enthousiasme et d'énergie nouvelle. Il entame alors une collaboration féconde avec Bjørnstjerne Bjørnson, qui attendait depuis des années l'artiste capable, par la musique, de donner une nouvelle dimension à sa poésie et à son théâtre. Le premier fruit de cette coopération est le poème Devant un couvent du sud pour soprano, alto, chœur de femmes et orchestre, en 1871. Encouragé par le succès, Bjørnstjerne Bjørnson se lance l'année suivante dans un poème dramatique, Bergliot. Le rude réalisme du livret incite Grieg à user d'un langage musical beaucoup plus audacieux qu'auparavant. Au printemps 1872, Bjørnson et Grieg présentent un autre fruit de leur collaboration, la pièce intitulée Sigurd Jorsalfar. La recherche délibérée des racines et de l'identité nationales dans un passé nordique se poursuit avec Olav Trygvason. Le projet initial était de créer un drame musical monumental, mais Bjørnson n'ira jamais au-delà des trois premières scènes. L'œuvre restera à l'état de fragment, mais la musique de Grieg nous donne une idée du magnifique opéra national que la Norvège a ainsi perdu. Le projet doit être abandonné. Nouveau défi, Henrik Ibsen lui demande de composer la musique de scène de Peer Gynt. La tâche n'est guère facile, mais sa partition s'impose comme l'œuvre majeure des années 1870. Du vivant de Grieg, la musique de Peer Gynt connaît un succès international, essentiellement sous la forme des deux suites pour orchestre qu'il en tire et qui lui ouvrirent les portes des salles de concert.

Én 1874, Grieg se voit attribuer une bourse d'État annuelle qui va lui permettre de subvenir à ses besoins sans devoir enseigner ni diriger. Il déménage à Bergen, sa ville natale. Toutes les conditions d'une période faste et féconde semblent réunies. Il n'en sera rien. Bien au contraire, ce seront des années de dépression, traversées par des crises tant personnelles qu'artistiques. La lutte que mène Grieg pour la surmonter enfantera des œuvres profondes, émouvantes et de haute qualité. La très belle Ballade en sol mineur pour piano et quatuor à cordes reflète le tumulte de son âme et les affres de sa lutte pour une perfection de forme et d'expression.

Au fil des ans, le rythme de son écriture ralentit. Chaque œuvre nouvelle ne parvient à maturité qu'à l'issue d'une longue et douloureuse genèse. C'est de cette période que date Ravi par la montagne pour baryton, deux cors et cordes ainsi que la plupart des chants de Vinje, suivies par les Danses norvégiennes pour piano à quatre mains et la célèbre suite Au temps de Holberg pour cordes. De 1880 à 1882, Grieg dirige « Harmonien », un orchestre de Bergen, mais abandonnera par la suite toutes ses fonctions officielles.

En 1885, Grieg s'installe dans sa nouvelle demeure, « Troldhaugen », aux abords de Bergen, où il résidera avec sa femme Nina jusqu'à sa mort. Grieg partage les vingt dernières années de sa vie entre son œuvre de compositeur et de longues tournées de concerts en Europe, ce dont souffrira sa santé délicate. Sa renommée de compositeur s'y verra en revanche confirmée. Ces années verront cependant la naissance de la Sonate en do mineur pour violon et piano et des Chants de Haugtussa, d'une importance indéniable, composés sur des textes de Arne Garborg. Les Slåtter pour piano (opus 72), occupent une place toute particulière par leurs audaces harmoniques très en avance sur leur temps. Cette remarque s'applique aussi au dernier chef-d'œuvre qu'il mènera à bien, Quatre psaumes, œuvre pour chœurs mixtes inspirée de mélodies folkloriques norvégiennes. Ses dernières adaptations d'airs populaires norvégiens révèlent sa parfaite compréhension de la mélodie populaire et de son essence.

La musique de Grieg a connu une popularité immense. Au tournant du siècle, elle est jouée dans le monde entier, dans les plus grandes salles de concerts comme dans les cafés et les restaurants. Un succès public aussi éclatant s'accordait en fait assez mal avec l'image romantique de l'artiste tourmenté, souffrant pour son art. Les auteurs de musique légère s'approprièrent nombre des innovations harmoniques de Grieg, ce qui ne pouvait à long terme que le desservir. À l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, en 1957, des critiques affirment que le nom de Grieg ne cesse de perdre son éclat au firmament de la musique sérieuse. Le pendule de l'histoire s'est depuis remis en mouvement, à l'avantage cette fois du compositeur. Nombre d'œuvres de musique romantique connaissent une renaissance, et celles de Grieg en font partie. Elles sont toujours jouées en concert dans le monde entier. Des partitions longtemps considérées comme mineures sont aujourd'hui souvent redécouvertes et réhabilitées par une nouvelle génération de musiciens.

Plusieurs musicologues ont mis en lumière l'importance des dernières œuvres de Grieg sur les recherches des Impressionnistes français pour créer un nouvel univers sonore. Quand Maurice Ravel visite Oslo en février 1926, il déclare que « la génération de compositeurs français à laquelle j'appartiens s'est sentie fortement attirée par sa musique. Aucun compositeur ne me paraît plus proche que Grieg  si ce n'est Debussy.»

Béla Bartók qui, au XXe siècle, cherche à renouveler l'écriture musicale à partir de la musique populaire, s'est lui aussi inspiré des adaptations pour piano de Grieg, réalisées à partir d'airs folkloriques.

L'objectif d'Edvard Grieg a été de créer une musique nationale qui confirme l'identité du peuple norvégien, et c'est pour cela qu'il a servi d'exemple à d'autres compositeurs. Mais son œuvre transcende le nationalisme. Grieg a su évoquer des sent iments et des idées dans lesquels le reste de l'humanité pouvait se reconnaître, auxquels chacun pouvait s'identifier. Au-delà de son cadre national, Grieg s'impose comme un compositeur universel.

Discographie

Hanssler 98.995  

Edvard Grieg
Peer Gynt

Academy of St; Martin of the Field
Neville Marriner, dir.

Suite d'Holberg op. 40 - Deux Elégies op. 34 - Suite de Peer Gynt n° 1 op. 46 - Suite de Peer Gynt n° 2 op. 55 - Deux pièces lyrique de l'op. 68

Virgin, 1993

Edvard Grieg
Oeuvres pour piano seul

Leif Ove Andsnes, piano

Enregistré en 1992 au Snape Malting Concert Hall à Suffolk

Piano Sonata in E minor, op. 7 : 1. I Allegro moderato (4:37) - 2. II Andante molto (4:49) - 3. III Alla menuetto (3:49) -   4. IV Finale: Molto allegro (6:07). Poetic Tone-pictures, op. 3, nos. 4, 5 & 6 : 5. Andante con sentimento (3:39) - 6. Allegro moderato (1:30) - 7. Allegro scherzando (0:46). Album Leaves, op. 28, nos. 1 & 4 : 8. . Allegro con moto (1:33) - 9. Andantino serioso (4:33) - 10. Agitato 1865 (3:07). Lyric Pieces, op. 43 : 11. Sommerfugl (1:40) - 12. Ensom Vandrer (2:16) - 13. Hjemmet (2:32) - 14. Liden Fugl (1:36) - 15. Erotikon (2:53) - 16. Til Forâret (3:06). Lyric Places, op. 54 : 17. Gjaetergut (4:19) - 18. 2. Gangar (3:24) - 19. Troldtog (3:05) - 20. 4. Notturno (4:17) - 21. Scherzo (3:16) - 22. Klokkeklang (4:57)

03/62
Unicorn-Kanchana. UKCD 2019 (ADD) 

Edvard Grieg
Sigurd Jorsalfar op. 22
Marche de funérails
Den Bergtekne op.32

Kâre Bj¢rkoy, Oslo Philharmonic Chorus
(Chorus Master Oskar Raaum)
London Symphony Orchestra
Per Dreier, dir

Enregistré en 1979 à l'église ALL Saints, Tooting

SIGURD JORSALFAR OP 22

Virgin, 2003 

Edvard Grieg
Sonate pour violoncelle op. 36
Quatuor de cordes op. 27

Sølve Sigerland, violon
Atle Sponberg, violon
Lars Anders Tomter, alto
Truls Mørk; violoncelle
Hålvard Gimse piano

Enregistré en septembre-octobre 2000 dans la maison et sur le piano d'Edvard Grieg à Troldhaugen et à l'église sainte Sophie d'Oslo

01-03. Sonate pour violoncelle opus 36 : 1 . allegro agitato - 2 . andante molto tranquillo - 3 . allegro - allegro molto e marcato. 04-07. Quatuor de cordes opus 27 : 1 . un poco andante - allegro molto ed agitato - 2 . romanz : andantino - 3 . intermezzo allegro molto marcato (637) - 4 . finale : lento - presto al satarello

Bridge, BCD 9026, 1992 

Edvard Gried
3 sonates pour violon et piano (op. 13 ; 8 ; 45)

Gerald Tarack, violon
David Hancock, piano

01-03 . Sonate en sol majeur opus 13 - 04-06 . Sonate en fa majeur opus 8 - 07-09 . Sonate en do mineur opus 45 

EMI CDC 7 47003 - 1983

Edvard Grieg
Peer Gynt
Musique de scène

Lucia Pop
Ambrosian Singers
Academy of St. Martin of the Fields
Veville Marriner, dir

01. Prélude de l'acte 1 - 02. Marche nuptiale - 03.Prélude à l'acte 2 - 04. Dans le hall du roi de l amontagne - 05. Danse de la fille du roi de la montagne - 06. Mort d'Aase - 07. Prélude à l'acte 4 - 08. Danse arabe - 09. Dabse d'Anitra - 10. Chanson de Solveig - 11. Prélude à l'acte 5 - 12. Berceuse de Solveig.


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Lundi 25 Décembre, 2023