Né en Avignon le 22 décembre 1875 — mort à Izieux le 30 novembre 1944. Compositeur, chef d'orchestre, administrateur.
Il vit à Saint-Étienne avec sa mère qui est veuve. Il suit des coursde piano, de flûte et de violon.
Après avoir suivi sa scolarité à Saint-Étienne, il entre à l'École Navale à l'âge de quinze ans. Il semble que ce soient les nécessités pécuniaires qui ont guidé ce choix. Il exprime assez tôt des regrets pour n'avoir pas suivi le Conservatoire.
En 1891, il embarque sur la Borda. Entre 1894 à 1895, il navigue à bord du Forfait, achève l'école des Aspirants en 1896, devient Enseigne de vaisseau en octobre.
Antoine Mariotte, Sonate en fa♯mineur, 1. Fantasie, 2. Nocturne, 3. Divertissement,Marie-Catherine Girod (piano), enregistré en public au Festival de pioano d'Husum, en 2000.Officier dans la marine, il compose pendant ses campagnes, et peut embarquer un petit piano à bord du Marceau.
Grâce à un congé de six mois, il a l'occasion de suivre les cours, en auditeur libre, de Charles-Marie Widor au Conservatoire de Paris.
Il abandonne la Marine en 1897 (sa démission est datée du 7 octobre), pour étudier la composition avec Vincent d'Indy, à la Schola Cantorum. Il trouve un emploi de pianiste auprès du comte de Chambrun.
Il séjourne à Saint-Étienne, auprès de sa mère qui est malade. Il y est organiste et donne des leçons de piano. Dirige un orchestre.
Il enseigne le piano au Conservatoire de Lyon de 1902 à 1914.
Son opéra, Salomé, créé en 1908, d'après Oscar Wilde, a entraîné des difficultés quant aux droits d'auteur. Romain Rolland obtient de Richard Strauss, qui a également obtenu les droits, et gagné les procédures, que l'œuvre de Mariotte soit produite à des conditions acceptables.
En 1913, il crée le Vieux Roi, sur un livret de Rémy de Gourmont.
Il est à Salonique durant la Première Guerre mondiale. En 1920, il est nommé directeur du Conservatoire d'Orléans, poste qu'il occupe jusqu'en 1935.
Il crée sa comédie musicale Léontine sœurs, en 1924, et l'opéra Esther, princesse d'Israël, sur un livret d'André Dumas et Sébastien-Charles Leconte, en 1925.
De 1936 à 1939, il est administrateur de l'Opéra-Comique de Paris, période pendant laquelle, le gouvernement du Front populaire procède à la nationalisation de l'institution, et crée la Réunion des théâtres lyriques nationaux.
Une partie de sa correspondance, notamment avec Léon Vallas, est conservéeà la bibliothèque municipale de Lyon.
Antoine Mariotte, Salomé, final, Solistes de l'Académie de théâtre de Bavière, Münchner Rundfunkorchester.Antoine Mariotte, né le 22décembre 1875 à Avignon (Vaucluse), fut d'abord officier de marine. Je l'ai connu directeur du Conservatoire d'Orléans, où il organisait et dirigeait avec talent des concerts fort intéressants. C'était alors un homme pétulant, plein d'énergie et d'entrain. Il avait fait ses études musicales à la Schola Cantorum avec Vincent d'Indy. De 1936 à 1939, il fut administrateur généralde l'Opéra-Comique à Paris. Il a surtout écrit pour le théâtre : le Vieux Roi, Salomé, Esther princesse d'Israël, Gargantua. Ses ouvrages témoignent d'un tempérament robuste dans le tragique, comme dans la joie et la gaîté.
J'ai surtout aimé son Esther.
Avant d'ouvrir de nouveau la partition, j'ai relu, d'une part, le Livre d'Esther dansla Bible et, d'autre part, la tragédie de Racine.C'est une bien curieuse histoire que celle d'Esther et d'une singulière grandeur dramatique. On comprendqu'elle ait tenté à diverses reprisesdes poètes et des musiciens.
Du fait lui-même, dans sa réalité historique, nous ne savons rien que par la Bible. Hérodote ne va pas jusque-là dans ses récits sur les Perses. Plutarque les commence trop tard. Assuérus fut apparemment le même roi que l'on connaît sous le nom de Xerxès, et Esther devint l'une de ses sept cents concubines.
Le texte de la Bible est d'une beauté farouche dans sa crudité, sa violence, sa cruauté. Pour sauver le peuple élu, Jéhovah ne montre aucun scrupule dans le choix des moyens. Esthers 'offre à Assuérus pour sauver ses frères : elle règne sur le monarque par la volupté. Elle n'éprouve point d'amour. Elle se sacrifie. Mardochée, son oncle, l'a voulu ainsi. Quand elle a obtenu la révocation des édits d'Aman et son supplice, elle ne se contente point d'avoir sauvé ses frères, elle demande et elle obtient encore pour eux la permission de massacrer tous ceux des Perses qui se sont montrés leurs ennemis. Jéhovah est terrible. Terrible aussi la jeune princesse qui lui sert d'instrument.
Racine nous conte cette effroyable tragédie en suivant d'assez près la Bible, quoi qu'il y paraisse ; mais, sous sa main délicate, tout se trouve étrangement adouci.
André Dumas et Sébastien-Charles Lecomte, en écrivant leur livret pour Antoine Mariotte, sont revenus à la lettre et à l'esprit de la Bible. C'est la violente, la cruelle, la sanguinaire petite princesse d'Israël qu'ils ont voulu mettre à la scène. Et c'est une effroyable nuit d'amour que celle où, pour la première fois, Esther se donne au roi au milieu des plaintes, des cris de détresse des malheureux qu'on égorge jusque dans le palais, jusque sur la terrasse de la favorite et dont le sang rejailli tsur les deux amants.
Le drame d'André Dumas et Sébastien-Charles Lecomte vaut par la simplicitéet la netteté du plan, la conduite d'une intrigue qui amène à point nommé les situations émouvantes, par la force, le mouvement, l'éclat d'un style qui évoque de façon saisissante les grandes figures et les grandes idées.
Antoine Mariotte possédait les mérites requis pour traiter un tel sujet, qui en eût effrayé bien d'autres. Il a, lui aussi, le ton simple et direct qui va droit au but, la phrase nette et franchement découpée, les rythmes farouchement énergiques.
Je me rappelle la belle premièrere présentation de 1925, où triomphèrent Yvonne Gall, Robert Franz et Rouard.
Antoine Mariotte fut alors fêté comme il convenait.
Je veux dire aussi quelques mots d'une œuvre peu connue d'Antoine Mariotte et qui vaut d'être écoutée avec attention. Elles'intitule Impressions urbaines, elle est écrite pour le piano seul et fut créée en 1921 par Edouard Risler.
C'est une suite de cinq pièces, que l'on pourrait croire surtout descriptives si l'on n'en jugeait que par les titres : Usines, Faubourgs, Guinguettes, Décombres, Gares. Mais le sentiment y tient la place prépondérante, et les objets extérieurs qui ont été pour le compositeur l'occasion d'être de diverses façons ému ne sont évoqués que par des procédés d'allusion assez détournés.
L'œuvre est extrêmement curieuse. D'abord le sujet traité, — car il y a un sujet,il y a un programme, si sommaire soit-il, et qui n'estpoint négligeable, sans lequel la musique perdrait une partie de sa signification, — le sujet n'est point banal, ou par sa banalité même il est tout nouveau, du moins comme programme d'une interprétation musicale. A première vue, il semble peu propre à inspirer un musicien, et pour cette raisonmême il éveille davantage notre intérêt. Nous attendons avec une nuance d'inquiétude ce que nous dira le compositeur de ces usines, de ces décombres et de ces gares.
Il nous dit des choses dures, parfois violentes, toujours très expressives, très profondément senties. Il nous dit la grande misère humaine, la grande tristesse de la vie ouvrière, le navrement des rudes besognes, des sombres maisons trop étroites, des joies mêmes du dimanche, de la vie fiévreuse des gares, des départs hâtifs pour les séparations lointaines. Tout cela est plein de désolation et de pitié. Il y a de la force, de la grandeur, une âpre mélancolie dans ces tableaux de notre existence moderne surchargée de labeur, où le machinisme a créé tant de mal, où nous devenons nous-mêmes des machines, des machines souffrantes, des machines à souffrir. Admirable ouvrage, admirable peinture des misères du faubourg parisien, dont on conserve une impression poignante.
Jean-Marc Warszawski
21 octobre 2008
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Lundi 27 Mai, 2024