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Steuermann Eduard [Edward]
1892-1964

Né à Sambo, près de Lvov (Lemberg), en Pologne, 18 juin 1892, mort à New York 11 novembre 1964.

Eduard Steuermann est de troisième fils de Joseph Steuermann (1850-1932), avocat, maire de Sambor, et d'Augusta Amstel - Steuermann (1868-1953).

Comme ses frères et sœurs, il reçoit une éducation privée, sa mère qui voulait devenir chanteuse, l'initie au piano et lui fait suivre, de 1904 à 1910, l'année de son baccalauréat, des cours de piano avec Vilém Kurz, un professeur de Lvov, par l'entremise duquel, il peut entrer en contact avec avec Ferruccio Busoni.

De 1910 à 1912, après une audition à Berlin, il suit l'enseignement de Busoni. Parallèlement, il entreprend des études de composition à l'Académie royale des arts de Berlin, dans la classe d'Engelbert Humperdinck, pour parfaire son savoir jusque-là autodidacte. Ce dernier lui demandant s'il préférait composer dans le style de Brahms ou de Wagner, Steuermann cesse de fréquenter le cours. En 1912, Busoni le met en contact avec Arnold Schönberg qui devient son professeur. Il est souvent mis à contribution comme pianiste, il se serait plaint de n'avoir pas pris de cours de composition, mais avoir surtout réalisé des réductions pour piano.

Aussitôt après avoir fait connaissance avec Schönberg, le 27 janvier 1912, il accompagne ses Lieder et interprète des réductions pour piano d'œuvres orchestrales (par Erwin Stein), au cours d'un concert berlinois (Morgen-Konzert, Concert matinal) le 4 février, et le 16 octobre, il tient la partie piano lors de la création du Pierrot lunaire.

Karl Essberger, Emil Telmányi (beau-fils de Carl Nielsens), Arnold Schönberg, Albertine Zehme, Eduard Steuermann, Hans Kindler, Hans W. de Vries. Photographie prise à la création du Pierrot lunaire de Schënberg, le 16 octobre 1912, à la Choralionsaal de Berlin.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, il retourne à Lvov, où il doit être mobilisé, mais une offensive russe pousse la famille à l'exode le 13 septembre 1914. Elle se réfugie à Vienne en ayant abandonné tous ses biens. D'abord réformé en raison de sa mauvaise vue, Steuermann est incorporé le 21 juin 1915.

Il écrit à Schönberg le 30 mai 1915 « Mon service militaire est justice, j'en suis empli d'attentes. N'ayant pas une seule fois fréquenté l'école publique, ma vie sociale est de toute manière celle d'un jeune homme étrange ; je crois que cela me sera bénéfique. »

Il passe la durée de la guerre dans les services sanitaires à Przemyśl (Ukraine), et à l'occasion donne des concerts de charité dans les hôpitaux, ou pour les familles de soldats tombés au combat, à Jarosław, à 40 km au nord. Il met sur le métier une réduction pour piano de la Kammersymphonie, opus 9 de Schönberg.

Dès la fin de la guerre, il retourne à Vienne, où il est un actif promoteur de l'association de concerts privés, créée par Arnold Schönberg, jusqu'à sa dissolution par manque de moyens financiers en 1921.

Eduard Steuermann, Arnold Schönberg et le critique Erich Steinhard, en 1920.

Il introduit à Vienne les œuvres de Scriabine et la musique française pour piano (Claude Debussy, Maurice Ravel), mais aussi Béla Bartók et Max Reger.

Il accompagne également les lectures de l'écrivain Karl Kraus (1874-1936).

Son activité de concertiste ne suffisant pas à subvenir à ses besoins, il enseigne à Vienne et en Pologne.

Il épouse Hilda Merinsky (1898-1988), une de ses élèves, le 20 juillet 1922.

En 1923, il rejoint le trio du violoniste Fritz Rothschild (qui avait été second violon du quatuor Busch en 1913-1914), avec le violoncelliste Joachim Stutschewsky (1891-1982). Il est membre du Pierrot-Ensemble dirigé par Erwin Stein, et se produit dans de nombreux pays.

Toujours en 1923, il prend part aux concerts de l'Internationale Gesellschaft für Neue Musik (La société internationale pour la nouvelle musique), notamment à Frankfurt am Main, pour la création du Kammerkonzert d'Alban Berg, sous la direction d'Hermann Scherchen.

Sa fille Margaret naît le 7 décembre 1925.

En 1925-1926, il compose une sonate pour piano qui est créée en 1929, au cours d'un concert de l'Internationale Gesellschaft für Neue Musik à Frankfurt.

Edward Steuermann, Sonate pour piano, premier mouvement (Deciso), par Bruce Brubaker.

En juin 1927, Hilda Merinsky et Eduard Steuermann se séparent (le divorce sera prononcé en 1947).

En 1931, il compose trois Lieder pour voix masculines profondes, et quatre pièces pour piano en 1934, créées le 10 mars 1936 dans un concert de la Vereins für Neue Musik à Vienne.

Avec la montée du nazisme et de l'antisémitisme, il ne donne plus de concerts en Allemagne, et renonce à rendre visite à sa sœur Rose (Rószia) Gielen à Dresden.

Son autre sœur Salka, de son vrai nom Salomea Sara Steuermann (1889-1978), amie intime de Greta Garbo, actrice et scénariste, épouse de Berthold Viertel, lui conseille en été 1935 d'émigrer aux États-Unis. Mais Steuermann pense encore au succès d'une carrière sur le vieux continent, déjà bien engagée. Il revient d'une tournée réussie en Espagne, il a des contrats pour Londres, Paris, Varsovie, doit tourner en Russie, donner des cours de maître à Kiev et à l'Académie de Vienne.

Salka Viertel (Steuermann).

Toutefois, en mai 1936, il s'embarque avec sa fille Margaret à Southampton, pour rejoindre sa sœur Salka à Santa Monica en Californie. Mais il ne trouve pas d'élèves à la hauteur de ses attentes. Dans une lettre du 31 octobre 1936, il fait part à Anton Webern de la possibilité d'un séjour de trois mois à Vienne afin d'y retrouver ses élèves. Il ne fera pas le voyage, plusieurs de ses élèves prenant le chemin de l'exil suivront de nouveau ses cours.

Un public amateur de musique contemporaine lui manque également. Ainsi, pour sa première apparition à Los Angeles, le 17 juillet 1936, au Hollywood Hollywood Bowl, il interprète le 5e concerto de Beethoven sous la direction d'Ernest Ansermet, et reprend ce programme au Granada Theater, sous la direction d'Otto Klemperer.

Dans l'espoir de mieux établir sa situation, il se produit au Town Hall de New York en novembre 1937. L'écho de ce concert étant favorable, il s'installe dans la ville début 1938.

Dès 1939, il participe aux concerts de la New School pour Social Research, ou il enseigne en 1940-1941.

En février il accompagne le ténor Hans Joachim Heinz (1904-1982) dans des Lieder de Franz Schubert et de Gustav Mahler, au cours d'un rassemblement contre le racisme et l'intolérance organisé à New York par la Tribüne für freie deutsche Literatur und Kunst (Tribune pour la littérature et l'art allemands libres).

Sa véritable percée est consécutive à la création du concerto pour piano opus 42 de Schönberg, le 6 février 1944 avec l'Orchestre symphonique de la NBC sous la direction de Leopold Stokowski. La même année, à l'occasion de conférences sur les Kreisleriana de Robert Schumann et sur Johannes Brahms, à l'université expérimentale Black Mountain College fondée en 1933 en Caroline du Nord, il rencontre la compositrice Ursula Mamlok (1923-2016) qui deviendra son élève. Il obtient par ailleurs la nationalité américaine.

Arnold Schönberg, Ode à Napoleon Buonaparte, avec Mack Harrell (récitant), Eduard Steuermann (piano), Orchestre philharmonique de New York, sous la direction d'Artur Rodzinski, enregistrement public, New York 23 novembre 1944.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, sa sœur Rose (Rószia, 1891-1973), actrice, avec son mari Josef Gielen (1890-1968), comédien, metteur en scène, directeur de théâtre, et leurs deux enfants (dont le futur chef d'orchestre et compositeur Michael Gielen) ont trouvé refuge en Argentine, mais son jeune frère Zygmunt « Dusko », footballeur (il a fait partie de la sélection nationale polonaise), né en 1899, a été assassiné en prenant la fuite d'un convoi de déportés en 1943.

Rose Steuermann.

Zygmunt Steuermann est le premier à partir de la gauche, en 1937.

Après la défaite du nazisme, il est rappelé en 1945 à l'Académie de Vienne, mais décline l'invitation.

Il compose ses Sieben Walzer, pour quatuor à cordes, en 1946.

En 1947, Salka et Berthold Viertel divorcent.

À partir de 1948, il enseigne au Conservatoire et à l'Académie musicale de Philadelphie. Prenant part aux sessions d'été de la Juilliard School, il est y nommé professeur de piano en 1951.

Il se marie le 12 novembre 1949 avec Clara Silvers (1922-1982), une de ses élèves, recommandée en 1944 par Schönberg dont elle est l'assistante depuis 1936. Elle sera à partir de 1975, responsable des archives Schönberg. Ils ont deux enfants, Rebecca, née le 17 février 1956 et Rachel, née le 30 avril 1958.

Entre 1953 et 1963, il effectue quelques voyages en Europe, pour enseigner, notamment au Mozarteum de Salzburg, à l'Académie d'été pour la nouvelle musique de Darmstadt, et aussi à Hannover.

Sa situation financière s'étant améliorée, il peut se réserver du temps pour composer.

En 1950, pour fuir les tracasseries du maccarthysme à Hollywood (elle est sur la liste noire), Salka s'installe à Kloster en Suisse, où Greta Garbo lui rend régulièrement visite.

En 1952, Steuermann reçoit la médaille Schönberg, la plus haute distinction de la Société internationale pour la musique contemporaine.

Edward Steuermann, Variations pour orchestre, Orchestre symphonique de la SWR Baden-Baden et Freiburg, sous la direction de Michael Gielen.

En 1959, on lui diagnostique la leucémie, maladie que son épouse tient un temps secrète. Après de longs séjours à l'hôpital en 1961 et 1963, il meurt le 11 novembre 1964.

Ses papiers ont été déposés au département de la musique de la Bibliothèque du Congrès de Washington. Le 28 juin 1965, une Société Eduard Steuermann a été fondée par des étudiants de la Juilliard School.

On compte parmi ses élèves, Viktor Ullmann, Lili Kraus, Jacob Gimpel, Hermann Grab, Theodor Adorno, Weitzmann, Charlotte Demant, Josefa Rosanska (qui deviendra Madame Rudolf Kolischs) et Georg Knepler, Alfred Brendel.

Webern lui a dédié ses Variations opus 27.


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Catalogue des œuvres

Écrits

Steuermann Clara, Porter Davod, Schuller Gunther, Writings of Edward Steuermann. University of Nebraska Press, Lincoln, London 1989.

Edward and Clara Steuermann Collection, BOX 1, Library of Congress (Washington D. C.)

Bibliographie

MGG 1, Dorothee Schubel.

MGG 2, Volker Rülke.

Grove, Michael Steinberg.

Gadomski Arne, Éduard Steuermann, dans « Lexikon verfolgter Musiker und Musikerinnen der NS-Zeit », Universität Hamburg, 2014.

The Steuermann Collection Processed by the Music Division of the Library of Congress (2008.

Schuller Gunter, A Conversation with Steuermann. Dans « Perspectives of New Music » (3, no 1), 1964, p. 22-35.

Salka Viertels, Erinnerungen an ihren Bruder, den Fußball-Star Zygmunt Steuermann

Stubenrauch Maris, In Memoriam: Eduard Steuermann, dans « Osterreichische Musikzeitschrift » (20), 1965, p. 126–127 

Pass Walter, Scheit, Gerhard, Svoboda, Wilhelm, Orpheus im Exil : Die Vertreibung der osterreichischen Musik von 1938 bis 1945. Verlag fur Gesellschaftskritik, Wien 1995 [409 p.]

Leibowitz René, Il Silenzio di Eduard Steuermann. Dans « L'Approdo Musiale » (19120) 1965, p. 229-232.

Busch Regina, Anton Webern : Aus dem Briefwechsel Webern-Steuermann. Dans « Musik-Konzepte, Sonderbands (1), München: 1983, p. 23-51.

Gielen Michael, Mein Onkel Eduard Steuermann. Dans Paul Fiebig (éditeur), « Michael Gielen : Dirigent, Komponist und Zeitgenosse »,  Metzler, Stuttgart 1997, p. 169-177.

Aus dem Briefwechsel Steuermann – Michael Gielen. Dans David Porter, Gunther Schuller (éditeurs) « Edward Steuermann. The not quite innocent bystander. Writings of Edward Steuermann »  Lincoln, London, University of Nebraska Press 1989.

Rülke Volker, Der Komponist Eduard Steuermann. Vier Werkstudien. Dans « Materialien zur Musikwissenschaft« (20) Olms, Hildesheim 2000.

Discographie

Trio Steuermann, Nuit transfigurée, œuvres de Johannes Boris Borowski, Arnold Schönberg, Anton Webern. Hortus 2016 (HORTUS130).

Lire la présentation de Jean-Marc Warszawski.


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