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Jean-Marc Warszawski, 4 mars 2013

Ludwig van Beethoven : Quatuor opus 18 no 6 et Quatuor opus 132

Beethoven, quatuors, terpsycordes

Ludwig van Beethoven, Quatuor opus 18 n° 6 & quatuor opus 132. Quatuor Terpsycordes, Ambronay 2013 [AMY 036].

Enregistré les 23-27 juin 2010 à La Chaux-de-Fonds en Suisse.

Comme il est de coutume aujourd'hui, le livret de ce disque ne dit pas qu'on va nous faire entendre des œuvres splendides dans l'interprétation desquels on a mis toute la sensibilité, l'intelligence, les tripes dont on est capable en espérant que cela plaise touche émeuve enthousiasme. Ce qui est le cas de ce magnifique enregistrement.

On nous dit instruments anciens et trajectoire de Beethoven. En somme la musique ne serait là que pour illustrer une thèse.

Alors, écoutez ce disque que vous allez encore écouter tellement cela est beau, fin, habité, concentré sur le détail, même dans le contrepoint le plus sophistiqué. C'est beau comme un vrai concert, ce qui est rare pour un disque. Lisez ensuite le livret.

Le Quatuor opus 18 n° 6 a été composé avec les 5 autres de la série (la série de 6 ou de 12, parfois 3 était de tradition) entre 1799 et 1800, célèbre pour son dernier mouvement à titre qui commence adagio, « La Malinconia ». Beethoven est alors âgé de 30 ans quand il aborde le genre. Entre 1805 et 1810, il compose à nouveau 5 quatuors, une série de 3 avec l'opus 59, puis des opus séparés, 74 et 95.

Il n'aborde plus le genre pendant une dizaine d'années, jusqu'en 1823 où il entreprend la composition de 6 nouveaux quatuors, en opus séparés, ceux qu'on appelle les derniers quatuors, dont l'opus 130 avec la « Grande fugue » finale (détachée en opus 133), qui laissèrent les auditeurs de l'époque perplexes. Ils adulaient l'œuvre de chambre de la jeunesse et de la maturité, mais ils pensaient avec ces dernières œuvres que le compositeur devenait sénile, ou que sa surdité avait dégradé son génie.

Je ne sais si on peut mesurer une évolution entre le n° 1 de l'opus 18 et l'opus 132, mais il y a entre elles, en effet de grandes différences, et c'est une très bonne idée musicale que de les juxtaposer (comme on le fait par ailleurs avec les deux uniques quatuors de Ligeti). Les deux sont viennoises. La première est italienne - première école de Vienne, dans ce qui unit Beethoven à Haydn et à Mozart. Ce quatuor équilibre le bel canto, la mélodie accompagnée, l'harmonie à 4 et le contrepoint avec une belle élégance.

l'Opus 132, créé le 6 novembre 1825 (un des trois quatuors destinés au Prince Nicolas de Galitzine), toujours viennois, toujours classique est déjà moderne, abandonne la dictature du chantant au profit de l'harmonie et de la complexité du contrepoint, adopte une grande mobilité concertante, ose une indépendance instrumentale libérée du bel canto mélodique servilement accompagnée, une abondance d'effets sans préparation ni enrobage de transition, introduit des séquences modales, escamote des articulations, le tout est au-delà de la tolérance du bon goût commun de l'époque. En marge du manuscrit de l'opus 131 destiné à son éditeur, Beethoven avait écrit en plaisantant « Mis ensemble avec des morceaux volés de-ci et de-là ».

Il écrit à son ami Holz à propos toujours de l'opus 131 ce qui est valable pour l'opus 132 : « Chacun dans son genre ! L'art veut que nous ne restions pas toujours à la même place. Vous connaîtrez bientôt un nouveau genre de la conduite des parties ; et quant à l'imagination, Dieu merci ! nous n'en manquons moins que jamais. »

« Deux genres différents » et « deux places différentes », c'est mieux qu'évolution. L'opus 18, est une œuvre beethovénienne tout aussi aboutie que l'opus 132, avec le traitement à égalité concertante des quatre instruments et le scherzo comme troisième mouvement, alors que l'opus 132 semble en effet s'éloigner du style classique viennois, de l'italianisme, et approcher par des voies propres et un autre langage la complexité contrapontique de la tradition des organistes de l'Allemagne du Nord. Elle est également autobiographique, puisque Beethoven évoque sa maladie et sa guérison, avec un cinquième mouvement central à titre, « Action de grâce d'un convalescent à la Divinité dans le mode lydien », suivi en contraste par un épisode « Sensation d'une nouvelle force ».

Quant aux instruments anciens, il y a le fantasme de la reconstitution historique (on n'imagine pas trop Beethoven en studio d'enregistrement), et l'interrogation moderne quant aux techniques les mieux adaptées aux œuvres, commune aux interprètes des œuvres du passé comme à ceux des œuvres contemporaines, ce qui est le cas dans les deux cas du Quatuor Terpsycordes.

Quatuor ops 18 n° 1,Adagio ma non Troppo (extrait).


Quatuor ops 132,Allegro appassionato, (premières mesures).

Jean-Marc Warszawski
4 mars 2013

1-4. Quatuor en sibémol majeur opus 18 n° 6 : Allegro con brio ; Adagio ma non Troppo ; Scherzo (Allegro) ; « La Malinconia », adagio - Allegretto quasi allegro ; 5-9. Quatuor en la mineur opus 132 :Assai sostenuto-Allegro ; Allegro ma non tanto ; « Heiliger Dankgesang eines Genesenen an die Gorrheit in der lydischen Tonart Molto Adagio », adagio ; Alla marcha assai vivace ; Allegro appassionato.


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