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Dijon, Cour de l'Hôtel Lantin – Musée Magnin, 5 août 2014, par Eusebius ——

Candides, mais flamboyants ! Avant le concours de Neuchâtel

Candides

Depuis trois ans, Mihaly Menelaos Zeke, chef du chœur de l'Opéra de Dijon1 conduit parallèlement, durant la saison estivale, un chœur de jeunes chanteurs, principalement venus de toute la France et de l'Allemagne. Cet ensemble vocal européen, « Candides » (bien que de noir vêtu) riche de ses 26 voix, va concourir à partir de demain à la 15e édition du Festival choral international de Neuchâtel2.

L'acoustique idéale de la cour intérieure du magnifique Musée Magnin de Dijon3 se conjugue à une beauté visuelle rare.  Le programme, d'une douzaine de pièces, illustre remarquablement l'art choral, de la Renaissance à nos jours. Du chœur à quatre voix mixtes, avec ou sans solistes, au double chœur (de Gabrieli et Victoria à Mendelssohn et Schumann), du profane au sacré, la plupart des visages de la polyphonie vocale sont passés en revue.

L'amateur de chant choral retrouve avec joie quelques pages connues. Parmi les doubles chœurs, le Hodie completi sunt de Gabrieli, qui ouvre le concert : la puissance et l'homogénéité des pupitres servent à merveille cette ample fresque, dont chacune des phrases est conduite avec souplesse et précision. L'Ave regina cealorum de Victoria, moins spectaculaire que la grande polychoralité vénitienne, est baigné d'une plénitude radieuse. Quant au Warum toben die Heiden, opus 78 no 1 de Mendelssohn, il emprunte davantage à Gabrieli : prosodie claire, homophonie, un très beau psaume. Le Zuversicht, opus 141 no 3 (1849) d'un Schumann marqué par la maladie est rarement donné en concert. Œuvre singulière par cette confiance — sol majeur — qui revêt ici une dimension proprement spirituelle.

Certes mon œil fut trop aventureux (des Amours, de Ronsard) a donné lieu à plusieurs mises en musique, dont celle de Goudimel. C'est la version d'Anthoine de Bertrand que nous propose « Candides ». Un régal que cette petite pièce, chantée avec grâce, malice et vigueur. Toute autre est le beau choeur de Max Reger, Unser lieben Frauen Traum, des 8 Geistliche Gesänge, opus 138. La plénitude confiante, jamais mièvre, de cet hymne à la Vierge porte bien la marque d'un compositeur trop souvent boudé en France, d'un grand polyphoniste post-romantique à la riche palette harmonique. La conduite de chacune des voix, du phrasé, la dynamique qui fait vivre cette page d'un tempo modéré, servent remarquablement l'œuvre. Les célèbres Trois beaux oiseaux du paradis, de Ravel, viennent à propos nous rappeler avec pudeur que nous commémorons le centenaire du début de la Grande Guerre. Élégance, raffinement sont au rendez-vous : les choristes adorent cette pièce et s'y donnent pleinement, qu'ils soient solistes ou accompagnent bouche fermée. Pur produit de la Schola Cantorum, Marc de Ranse est un de ces petits maîtres d'entre les deux guerres qui mérite d'être redécouvert. De son importante œuvre pour chœur nous est offert un mouvement de sa première symphonie vocale, Frère Jacques. Pièce séduisante, par-delà le recours au thème heureusement varié, propre à réjouir chanteurs et auditeurs. Les Trois chansons de Shakespeare, de Vaughan Williams sont de pures merveilles, avec cette féérie, cette magie qui s'accorde si bien aux œuvres illustrées. La dernière (Over hill, over dale) enjouée, légère et puissante malgré sa brièveté est un pur chef-d'œuvre. Thierry Machuel, bien que jeune encore, nous a déjà beaucoup donné, particulièrement dans le répertoire choral. Sur la terre simple (des Élégies romanes, opus 28) sur un poème d'Yves Bonnefoy, fait appel à une écriture traditionnelle, unissons sur pédales, alternances, débouchent sur un enrichissement de la polyphonie, toujours lisible, toujours intelligible. Du grand art.

« Candides », que l'on découvre à cette occasion, est un très beau chœur, dont chacune des voix est intéressante, mais sachant se fondre parfaitement dans son pupitre, avec un souci permanent des équilibres, d'une extraordinaire dynamique (des pp aux ff chantés et perçus comme tels !). La conduite des lignes, le souci d'intelligibilité et d'expression sont un modèle du genre, de même que la recherche du climat propre à chaque pièce. Sans crainte de nous tromper, on peut prédire un bel avenir à cette jeune formation: des amateurs, au meilleur sens du terme, ayant déjà acquis les compétences de professionnels chevronnés, l'enthousiasme en plus.

Eusebius
5 août 2014

1. et merveilleux accompagnateur, que l'on retrouvera la saison prochaine, dans plusieurs récitals.

2. qui s'achève dimanche 10 août. 13 chœurs et ensembles vocaux, venus du monde entier, participent à la compétition.

3. ancien hôtel particulier construit au milieu du XVIIe siècle par un Conseiller maître à la chambre des comptes, Étienne Lantin, il abrite de remarquables collections de peintures des écoles européennes du Moyen-âge au XIXe siècle.


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