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15 octobre 2014, par Frédéric Norac ——

Castor et Pollux au Théâtre des Champs-Élysées : déception

Castor et polluxCastor et Pollux, Théâtre des Champs-Élysées, octobre 2014. Photographie © Vincent Pontet-WikiSpectacle.

Pour mettre en scène ce Castor et Pollux, Christian Schiaretti a prolongé sur scène l'espace même du Théâtre des Champs-Élysées. Le décor de Rudi Sabounghi  reproduit en effet l'atrium et les peintures de la galerie du premier étage. Le projet est d'installer spectateurs et spectacle dans un « espace partagé » car, selon le metteur en scène, la tragédie lyrique est un rituel plus qu'une fiction. Nous resterons donc dans un registre distancié, avec des acteurs en costumes stylisés noir et gris — façon antiquité revue par les années 20 — et une direction d'acteurs d'une totale discrétion, sinon d'une absolue neutralité. Le résultat austère, hiératique, a quelque chose de très Comédie-Française années 50 et ce n'est que dans les actes finaux — scène des Enfers et ballet cosmique — qui selon le metteur en scène appartiennent à l'espace du rêve que la production se décide enfin à sacrifier, avec un certain bonheur du reste, au spectaculaire. Feu sur la scène, créatures infernales, masques et cornes, ballet enfin pleinement intégré, bel effet de vidéo pour les astres de la chaconne.

Mais jusqu'à la fin du troisième acte, il aura fallu se contenter des chorégraphies banales d'Andonis Foniadakis pour animer le plateau. Les gesticulations peu expressives des danseurs semblent une caricature de tous les poncifs de la danse moderne et  leur envahissante répétition finit par lasser voire agacer à chaque réapparition. Le corps de ballet se fera, du reste, quelque peu chahuter au rideau final par un public plus indulgent pour les aspects musicaux de la production.

Castor et PolluxCastor et Pollux, Théâtre des Champs-Élysées, octobre 2014. Photographie © Vincent Pontet-WikiSpectacle.

Il faut dire que les suites de danse sont abondantes dans cette version révisée de 1757 dont Rameau a semble-t-il beaucoup élagué de musique : à peine plus de deux heures trente entracte compris. Peu d'airs finalement, quelques belles scènes en récitatif et de grands chœurs qui semblent parfois nous tirer vers l'oratorio plus que l'opéra. L'ensemble de la production secrète,  au moins pour la première partie, un sentiment de déception et d'incomplétude.

Au plan vocal, hélas, la frustration n'est pas moindre. Le Castor de John Tessier, voix étriquée et nasale, n'a pas la rondeur ni le sublime des vraies hautes-contres à la française. Si la prestation d'Edwin Crossley-Mercer va en s'améliorant au fil des actes, il paraît d'abord peiner à s'approprier le rôle de Pollux dont il appuie le caractère monolithique et autoritaire et où il semble souvent forcer sa belle voix de baryton. Il faut attendre les deux derniers actes et sa grande scène en récitatif avec Castor pour que le chanteur révèle tout son potentiel expressif. Omo Bello, voix beaucoup trop légère pour un rôle aussi central que Télaïre, gâte, « Tristes apprêts », le plus bel air de la partition, avec une diction exotique, un médium peu assuré et un style approximatif. La chanteuse n'a pour elle que la fraîcheur de son timbre qu'elle réussit à faire valoir par intermittences. La Phoebé de Michèle Losier est connue et ne s'est pas améliorée depuis sa prestation de cet hiver, timbre acide et diction peu compréhensible. Quant à Reinhoud van Mechelen , il est contraint de forcer dans son grand air héroïque de la fin de l'acte II, chanté devant le rideau de scène, une position qui l'oblige lutter avec le « mur » de l'orchestre. On sauvera tout de même des chœurs de grande qualité mais qui peinent un peu à se mettre en place, l'excellent Jupiter de Jean Teitgen et la délicieuse Cléone d'Hasnaa Bennani au timbre moelleux et à l'ornementation très sûre. Au final le bilan est plus que mitigé même si la deuxième partie du spectacle, comme il arrive souvent, semble enfin trouver ses marques et réaliser quelques-unes des promesses de la partition.

Castor et PolluxCastor et Pollux, Théâtre des Champs-Élysées, octobre 2014. Photographie © Vincent Pontet-WikiSpectacle.

Pour qui gardait dans l'oreille, la magnifique prestation de Raphaël Pichon et de l'ensemble Pygmalion au printemps dernier à l'Opéra-Comique, la direction d'Hervé Niquet manque singulièrement d'ampleur. Si elle a le mérite de sa concision, elle paraît souvent survoler la partition et n'en donner qu'une vision limitée et plutôt sommaire en termes de couleurs et de timbres.

Prochaines représentations les 17, 19 et 21 octobre à 19h30

Spectacle enregistré et diffusé sur Mezzo HD  le 30 novembre et les 8 et 9 décembre ainsi que sur le site du théâtre et sur Culturebox jusqu'au 15 avril 2015.

plume Frédéric Norac
15 octobre 2014


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