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  Par Jean-Marc Warszawski —— 29 novembre 2014.

Enrico Dindo et ses Solisti di Pavia Salle Gaveau

I solisti di paviaEnrico Dindo et I solisti di Pavia, Salle Gaveau de Paris, 21 novembre 2014. Photographie © MusicNcom.

Enrico Dindo et ses Solisti di Pavia étaient Salle Gaveau vendredi 21 novembre, pour fêter en capitale de France la commercialisation de leur cédé consacré à des œuvres de l'ukrainien Nikolaï Kapustin (né en 1937) et de l'Argentin Astor Piazzolla (1921-1992). Il ne s'agit pas vraiment d'un rapprochement des hémisphères nord-sud, mais plutôt d'une réunion de famille musicale, de lointains cousins qui ont, c'est une évidence sonore, des choses en commun.

Kapustin est un pianiste formé au classicisme de l'école russe, il est par amour un musicien de jazz, qui a la particularité de composer les improvisations. Énorme piège pour les interprètes au-delà des difficultés de mise en place d'ensemble. Tout ce qui passe par la tête instrument aux doigts et à l'écoute des autres en temps réel,  n'est pas la même chose que ce qui passe du crayon à la partition. Là, contrairement la situation du musicien dans un set de jazz qui swing la partition simplifiée  (par exemple en jouant en ternaire ce qui est écrit en binaire), il faut respecter la partition dans ses notes, sinon on enfreint les règles du jeu. L'improvisation écrite est donc moins chatoyante que la vraie improvisation improvisée (par exemple elle est rythmiquement plus régulière).  Mais cela donne des cadences étonnantes dans lesquelles Enrico Dindo et son violoncelle, perchés sur une estrade de chef s'en donnent  à plein l'archet et pleines cordes. Le deuxième concerto opus 103, pour cordes et violoncelle constituait le centre du programme.

Astor Piazzolla est au tango (moderne ou nouveau) instrumental ce que Carlos Gardel est au tango vocal : Dieu le père. Une musique puisant à bras ouvert dans la musique des quartiers populaires  de Buenos Aires, ville d'immigration cosmopolite où domine l'influence altière du flamenco et du fado, et c'est là que s'établit le cousinage avec le jazz, plutôt manouche que blusifiant.

Le concert c'est ouvert avec le Grand tango, composé en 1982 et créé en 1990, deux ans avant la mort du compositeur. À l'origine pour  piano et violoncelle, l'œuvre a été créée par Rostropovitch, pour lequel elle était pensée.  Enrico Dindo a remplacé le piano par les cordes de son ensemble I Solisti di Pavia.

Après l'entracte, le concert s'est achevé avec Las Cuatro Estaciones Porteñas, « Les quatre saisons du port » (de Buenos Aires), hommage à Vivaldi, plus dans l'essence que dans la forme. En fait, il s'agit d'une suite de quatre pièces composée entre 1965 et 1970, pour quintette de violons et/ou d'altos, guitare électrique, piano, contrebasse et bandonéon.  Souvent réorchestrée,  elle est ici, proche de l'orchestre de Vivaldi (le violoncelle à la place du violon), dans une transcription de Jorge Andrés Bosso, lui-même violoncelliste originaire de Buenos Aires. Œuvre magnifique de ruptures, de dissonances, de lyrisme et de violence. Du tango.

Salle Gaveau n'était pas comble, tant s'en faut, mais si chaleureuse qu'elle fut récompensée par  trois bis : l'Ave Maria, à l'origine pour hautbois et piano, musique pour Henri IV, film de Marco Bellocchio avec Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale (1984), et Oblivion (1972) pour orchestre de chambre. Enfin bis de deux bis, réflexe de violoncelliste, la première pièce des suites de Johann Sebastian Bach, magnifique liqueur en point final d'une très bonne soirée musicale.

Nous avons eu le plaisir de retrouver la qualité musicale du cédé et l'essentiel de son programme, la vue en plus. Une belle et élégante tenue de scène de grande soirée, hommes costumes de ville tout en noir jusqu'à la chemise, femmes en robes du soir aux couleurs vives, comme pour confirmer l'air du temps qui esthétise le sérieux masculin et la frivolité féminine. Mais c'est visuellement très agréable, ces taches de couleur sur fond noir. Seule la position de Dindo, sur l'estrade de chef au centre d'avant-scène m'a un peu gêné (pas seulement visuellement), soliste unique tout du long, dans un ensemble de solistes qui n'ont été qu'accompagnateurs, certes à merveille, mais quand même… Quand on parle de jazz. Partager les parties solistes aurait amené encore plus de diversité sonore et de confrontation et de mouvement scénique.

Jean-Marc Warszawski
29 novembre 2014


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