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Yves Chartier, Professeur d'histoire de la musique à l'Université d'Ottawa : Documents pour servir à l'histoire de la théorie musicale.

Introduction à un tonaire : Proemium tonarii

Source : Ps.-odon, Prooemium tonarii (Italie du Nord, fin X e s.)., préface à un tonaire (cf. M. Huglo, Les Tonaires, p. 222).

Éditions

Gerbert I, 248-250 (Migne, PL 133.755-758) ; M. Huglo, in Archiv für Musikwissenschaft 28 (1971), 134-146 (édition critique)

Synopsis

1. Inaptitude de certains chantres dans l'exécution de la psalmodie. - 2. Ambiguité modale de certaines pièces ("modalité mixte" : cf. Réginon). - 3. Differentiae ou cadences mélodiques de chaque ton ou mode, avec exemples.

Le texte

Ci-commence le formulaire sur les tons <psalmodiques> que tout chantre se doit d'observer à l'église.

Les présentes formules <relatives aux tons psalmodiques>, que j'ai pris soin de consigner par écrit à votre intention pour la bonne exécution du plainchant, et en vertu desquelles [qualiter] tout chantre se doit d'observer à l'église le ton des antiennes de l'office ou des communions2 , ou dans n'importe quel chant qu'il pourra rencontrer, qu'il s'applique à les étudier [legere] avec le plus grand soin, celui qui désire occuper à l'église la chaire de maître de chant3. J'engage cependant tous les chantres, et tout particulièrement ceux qui passent à l'église pour les "chefs" [maiores], de servir chaque jour, et avec discernement, ces exemples à leurs subordonnés, de peur que lorsqu'ils entonnent à l'église les antiennes, ils ne fassent montre d'embarras au début du psaume, et qu'ils ne se mettent à chanter n'importe comment4. Que celui, toutefois, qui désire acquérir une bonne connaissance du chant passe et repasse chaque jour ces formules et ces cadences psalmodiques [differentias] contenues dans ces chants. Et lorsqu'il voudra entonner à l'église une antienne, qu'il ne se fonde point sur le début de celle-ci, mais qu'il courre au plus vite à la fin : le ton qu'il y repérera comme étant propre à cette antienne, qu'il l'applique à l'intonation du psaume.

En effet, nombreux sont ceux qui, à l'église - et, parmi eux, bon nombre qui, par arrogance, comme j'ai pu l'observer, s'estiment supérieurs aux autres, - décident d'eux-mêmes du ton à prendre, et déclarent : "c'est ce ton-ci, ou celui-là", et se trompent eux-mêmes du tout au tout. Car ils n'ont d'autre motif d'agir ainsi que celui de poser en "maîtres" devant les autres. En conséquence, ces poseurs méritent plus d'être damnés que d'être rachetés, parce que le bienheureux Grégoire atteste qu'il n'a pas cherché à vaincre les difficultés [inertiam] de la science musicale lorsqu'il s'appliqua à la composition de son répertoire [cantum], mais qu'il le fit dans le but d'émouvoir les âmes des croyants, pour la gloire de notre Créateur5.

[Exemple musical]

Que nul, par conséquent, ne pense que toutes les antiennes coïncident <mélodiquement> en leur début avec l'intonation initiale du psaume : c'est que la majorité [maiorem partem] souhaite raccorder l'intonation du psaume à la fin des antiennes, comme dans l'antienne suivante : O beatum pontificem, que plusieurs situent en deuxième ton. Mais ils se trompent, car elle appartient au premier ton, et à la septième "différence". Ainsi en est-il pour bien d'autres antiennes qui sont notées dans le tonaire [formulis].

Voilà pourquoi je recommande à tous les chantres experts en cette science, d'observer avec le plus grand soin les huit tons que nous avons figurés à l'image des huit béatitudes : que s'ils le font, ce ne sera pas là pour eux un vain labeur, mais une tâche hautement profitable,car chacune des "différences" psalmodiques possède sa raison d'être, pour qui est capable d'en saisir l'importance.

Le premier ton possède dix soudures mélodiques [differentiae] ; le deuxième ton, une seule. Le troisième ton, lui, paraît posséder cinq soudures mélodiques ; le quatrième en exige neuf. Le cinquième semble n'en comporter que deux, et pour les antiennes seulement ; le sixième est bien connu pour n'avoir qu'une seule soudure mélodique. Pour le septième, nous avons démontré qu'il possédait sept soudures mélodiques. Quant au huitième, nous estimons qu'il peut se terminer sur six soudures mélodiques. Les septième et huitième tons paraissent coïncider quant à leur finale, mais diffèrent quant à leur début. Voilà pourquoi il faut beaucoup d'étude à celui qui souhaite entonner ces antiennes sans se tromper. Il arrive cependant quelquefois, comme nous l'avons brièvement évoqué [libatum] plus haut, que le début <des antiennes> coïncide avec <l'intonation> du psaume, mais la plupart d'entre elles doivent être réentonnées d'après la note finale du psaume.

S'ensuivent les huit tons avec leurs soudures mélodiques.

Notes

1. Traduit d'après l'édition de M. Gerbert, Scriptores I (Saint-Blaise, 1784, r1963), p. 248-249, reproduite dans Migne,Patrologia Latina 133 (Paris, 1853), col. 755-756.

2. C'est-à-dire dans les chants de la Messe contenus dans le Graduel, par opposition aux chants de l'Office monastique, contenus dans l'Antiphonaire.

3. Toute cette introduction est passablement ironique à l'endroit des chantres peu versés dans la science de la musique, et rappelle les qualificatifs cinglants que décoche un autre compilateur de tonaires, Réginon de Prüm, vers 901, à un certain chantre de la cathédrale de Trêves, Walcaud, dûment comparé à un"âne qui s'efforce en vain de jouer de la lyre"! (Epistola de Armonica Institutione, in Gerbert, Scriptores I, p. 246b).

4. Littéralement : "en s'égarant" (per diversa ... evagari).

5. Allusion au décret de s. Grégoire, Decret. IV, indict. 13, epist. 44, cité par Agobard de Lyon, Liber de correctione antiphonarii, 15 (Migne, PL 104.336). Texte original dans Migne, PL 77.1335 (synode du 5 juillet 595) ; J. D. Mansi, Concil. Ampl. Coll. 10 (Florence, 1764), 434 ; MGH, Epist. 1 (Berlin, 1887 ; r1957), 363 ; Ph. Jaffé, Regesta Pontif. Romanorum, n° 1365 (988). Cf. Grégoire de Tours, Hist. VIII.iii.6 (Migne, PL 71.451).


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Mardi 24 Janvier, 2023

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