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12 avril 2014, par Jean-Luc Vannier ——

Jiri Kylian, Ben Stevenson et Alvin Ailey au Ballet Nice Méditerranée

SinfoniettaSinfonietta. Photographie © D.Jaussein.

« Un défi physique et émotionnel pour une compagnie ». Par cette introduction, le Directeur artistique du Ballet Nice Méditerranée Éric Vu-An résumait parfaitement le programme, vendredi 11 avril, d'une soirée chorégraphique courte mais intense : une heure et dix minutes pour découvrir Sinfonietta de Jiri Kylian, Three preludes de Ben Stevenson et Night creature d'Alvin Ailey. Un ordre de passage modifié par rapport au menu initial afin, sans doute, de terminer sur une note plus légère et joyeuse en comparaison des deux autres œuvres.

SinfoniettaSinfonietta. Photographie © D.Jaussein.

Remontée par Brigitte Martin et Patrick Delcroix, Sinfonietta de Jiri Kylian sur une musique de Leoš Janáček, impose avec une soudaineté doublée d'une fulgurance tout aussi inattendue, un rythme soutenu et une rare vigueur des évolutions, introduites par un ensemble masculin multipliant sauts et grands jetés. Plusieurs couples puis un trio (Veronica Colombo toujours aussi souriante, Alessio Passaquindici et Andres Heras Frutos, un peu fatigué) développent en symétrie décalée des pas de deux dans une atmosphère plus énergétique qu'esthétique : difficilement classable, Sinfonietta ne propose pas d'innovations chorégraphiques et ne recherche pas l'absolu gymnique d'un travail ultra-contemporain. Mais elle parvient néanmoins à prendre ses distances avec un académisme lénifiant tout en conservant, ici ou là, quelques touches gestuelles d'intériorité sur un mode qui vise plutôt à occuper le maximum de l'espace scénique. Un bouquet final chorégraphique intervient sur un tutti orchestral du compositeur tchèque.

Gaëla Pujol et Claude Gamba. Photographie © D.Jaussein.

Pièce intéressante mais qui comporte un grave inconvénient : une telle intensité de l'effort corporel requis en début de performance exténue les danseurs. A fortiori lorsque le même soliste masculin se produit dans les trois morceaux. Et cela se ressent, malgré une pause d'une vingtaine de minutes, dans le second remonté par Lucas Priolo, Three preludes de Ben Stevenson sur une magnifique partition de Sergueï Rachmaninov. De part et d'autre d'une barre de répétition instaurant une frontière invisible, Gaëla Pujol et Claude Gamba (Veronica Colombo et Mikhaïl Soloviev pour les représentations  des 13 et 20 avril) étirent langoureusement leurs corps pour se découvrir une attirance réciproque. Une mise en scène qui n'est pas sans rappeler ces déploiements articulés autour du même accessoire de travail dans le « bOdy/rEMIX/les_VARIATIONS_gOLBERG-acte 1 » de la chorégraphe canadienne Marie Chouinard en avril 2012 aux Ballets de Monte-Carlo.

Gaëla Pujol et Claude Gamba. Photographie © D.Jaussein.

Chez Ben Stevenson en revanche, point de dysharmonie anatomique mais une recherche absolue de sensualité se nourrissant des timides hésitations à franchir l'obstacle de la barre comme autant de balbutiements devant la transgression d'un interdit. Un ambitieux dessein charnel et psychique qui a, hélas, pâti de l'extrême fatigue du danseur soliste, tremblant de tout son être comme une feuille dans les nombreux portages. Au point, également, de préoccuper sa partenaire et, in fine, d'effacer des visages des deux solistes toute expression d'un désir ardent de la rencontre amoureuse. Leurs faces graves, voire austères,  trahissent leurs esprits plombés par une rigoureuse concentration technique, irréprochable dans ses effets chorégraphiques, mais qui éloigne le public de l'émotion partagée : le contraire d'un Roméo et Juliette, inoubliable duo passionné et aux regards irradiés des jeunes danseurs de l'Académie Princesse Grace célébrant Jean-Christophe Maillot en décembre 2013 ou, pour demeurer au Ballet Nice Méditerranée, le magnifique érotisme sensuel d'un « Adagietto » d'Oscar Araiz en avril.

Marie-Astrid Casinelli. Photographie © D.Jaussein.

Fort heureusement, la performance se terminait par le très jazzique Night creature d'Alvin Ailey remonté par Chaya Masazumi sur une musique de Duke Ellington. Joyeuse sarabande aux allures de West Side Story brillamment emmenée par l'extraordinaire soliste Marie-Astrid Casinelli, déjà appréciée pour son interprétation sanguine de Djali dans les Deux pigeons en décembre 2013 à Nice. À ses déhanchements aguicheurs et à ses œillades complices s'ajoute le sourire naturel du bonheur de danser lequel — enfin — se diffuse sans réserve auprès de certains de ses acolytes. Et auprès du public qui lui a réservé une véritable ovation.

Nice, le 12 avril 2014
Jean-Luc Vannier


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