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Octobre 2003, par Jean-Marc Warsawski ——

George Onslow, gentleman compositeur

Niaux Viviane, George Onslow, gentleman compositeur (préface par Joël-Marie Fauquet). Presses universitaires Blaise-Pascal, septembre 2003, 435 p. 20

Parmi les hommages cinquantenaires et centenaires offerts au monde musical français, on compte en 2003 le «sur-historique» Hector Berlioz (* 1803),  et ne compte pas ou à peine Pierre Attaingnant († 1553), François Devienne († 1803), Louis Jadin ( † 1853), André Messager (* 1853). Entre les deux il y a les résurrections. Augusta Holmès (1847-1903) est gratifiée d'un livre (Michèle Friang, Holmès ou la gloire interdite. Autrement, Paris 2003) et d'une sympathique exposition au département de la musique de la Bibliothèque nationale de France. Geoge Onslow (1784-1853) bénéficie depuis quelques années d'une association. Sa fondatrice, Viviane Niaux, bibliothécaire du Centre de Musique Baroque de Versailles vient de faire paraître un excellent livre aux Presses Universitaires Blaise-Pascal.

George Onslow

George Onslow naît en 1784. Edward - son père, est un aristocrate anglais installé en Auvergne depuis quelques années. Marie-Rosalie de Bourdeilles -sa mère, appartient à la noblesse Auvergnate. Ils sont riches, ils sont beaux. A la Révolution, Edward défend ses intérêts de classe sans y laisser ni sa tête ni sa fortune. Sous le directoire on le prie de quitter le France. George est alors âgé de 14 ans et bénéficie d'une éducation distinguée, leçons de musique comprises. Il rejoint son père à Hambourg où il suit des cours de piano avec Dussek. En 1800 sous le Consulat, on revient en Auvergne après deux ans d'exil. George continue ses études de piano en Angleterre auprès de Cramer. En 1801, lors de la migration hivernale parisienne de l'aristocratie de province ou d'un voyage d'affaire de son père, l'étincelle de la vocation semble se produire au frottement de Stratonice, œuvre lyrique de Méhul donnée à l'Opéra-Comique. Il consulte le traité d'harmonie de Catel, copie de la musique. Ses premières compositions datent de 1806. Pleyel publie sa Grande sonate pour le piano opus 2 en 1807. Il se perfectionne en composition auprès du très efficace Reicha. Dans les années 1830 il est au sommet d'un succès éclatant.

Onslow n'obtient pas les lauriers qui consacrent les compositeurs de cette époque : ses rares opéras n'ont pas de succès. Il ne fournit pas les salons amateurs (qui en sont friands) en romances, paraphrases, airs d'opéras arrangés etc. Il compose dans un genre délaissé : de la musique de chambre savante, des quatuors et des quintettes. On écrira qu'il est «le Beethoven Français». Vous savez que depuis la mort de Beethoven, il tient le sceptre de la musique instrumentale écrit Berlioz [p. 245]. Sa musique est en effet héritière de l'École de Vienne. Pourtant, comme beaucoup de ses contemporains il est désemparé par les dernières œuvres de Beethoven qu'il peut entendre chez  Pierre Baillot. Membre de nombreuses académies musicales européennes prestigieuses et de l'Institut (en succession à Cherubini), il conçoit à la fin de sa vie quelque aigreur du désintérêt progressif pour sa musique en France (qui reste admirée en Allemagne). Refusant de s'engager dans les nouvelles voies entrouvertes par Beethoven, il est toutefois conscient des difficultés qu'il éprouve à se renouveler, difficultés qu'il met au compte d'une faiblesse d'inspiration et non à celui d'une matière qui aurait vécu.

C'est par le hasard d'un remplacement de musicien au pied levé qu'il introduit la contrebasse dans le quintette au début des année 1840 et pour des raisons purement pratiques qu'il exploite cette idée. On ne saura pas non plus si le malheureux accident de chasse lui a emporté la joue et rendu sourd de moitié ou si les conséquences en sont grossies comme un coup de publicité à la romantique.

Viviane Niaux maintient avec bonheur l'équilibre entre les nécessités documentaires et celles du récit. Elle évite à la fois l'anecdote oiseuse, les articulations hypothétiques et l'histoire documentaire asséchée. Son livre est érudit, il est très documenté, mais sans aridité. Il est d'une lecture agréable.

Le parti-pris de ne pas séparer «la vie» et «l'œuvre», car la vie éclaire l'œuvre autant que l'œuvre éclaire la vie [p. 25] permet d'éviter un catalogage descriptif d'une redondance souvent inutile, mais surtout dynamise le récit qui évolue de bout en bout comme un contre-pouvoir à la dense et méticuleuse exposition documentaire. L'histoire n'est alors ni toile de fond ni contexte, mais un complexe de relations vivantes qui contraignent et sur lesquelles ont agit dans le but de régler les urgences et les contradictions quotidiennes. Pour Onslow il ne s'agit pas d'écrire par avance l'histoire corps et sens, mais de composer pour être joué et publié, de gérer ses affaires, de participer à la vie sociale, voire politique, de recevoir des honneurs (car on ne manque pas de vanité). Le contexte n'est donc pas détaché de «la vie et l'œuvre», et cela donne au corps de l'ouvrage un caractère de récit à intrigues, ou page après page, trait après trait, apparaît le personnage Onslow et le monde qui l'entoure, qu'il agit.

Dans le prologue, Viviane Niaux restitue les propos, qui circulant de dictionnaires en notices finissent par être admis à tort, dresse l'état des lieux de la documentation disponible, la hiérarchise. Le catalogue général des œuvres (une centaine pour 83 numéros d'opus) est introduit et commenté. On y indique les tonalités et effectifs, les dédicataires, les dates de composition, les localisations manuscrites et les éditions d'une manière claire (selon l'auteur, il resterait à retrouver de nombreux feuillets d'albums, très à la mode à cette époque, que les compositeurs offraient à leur entourage et correspondants). Viviane Niaux publie en annexe 88 lettres, dont elle a souvent établi les dates et les destinataires, voire reconstitué les échanges complets. Douze pages, ce qui est encore digeste,  sont consacrées à la généalogie de la famille. La bibliographie est claire et complète, tout comme la discographie, de laquelle, au lieu et place des petites étoiles et souriards, on aurait peut-être préféré un court commentaire en plein-texte.

Au chapitre 13, intitulé «l'homme et son œuvre», Viviane Niaux donne une conclusion synthétique à son ouvrage, et on regrette qu'elle n'ait pas brisé la contrainte documentaire au profit de la liberté des idées. Les quelques traits nouveaux sur le personnage auraient sans doute trouvé place dans le corps du récit, permettant de consacrer à un approfondissement des interrogations sur la reception en française du dernier Beethoven à la fin des années 1820, problématique d'ailleurs fort bien esquissée et puissamment imagée par les propos négatifs d'Onslow.  On imagine également que la désaffection dont est victime la musique de George Onslow à l'orée des années 1850 n'est pas seulement consécutive au manque d'inspiration de sa part ; qu'il faudrait aussi mettre mieux en perspective cet extrait judicieusement choisi  d'une lettre de Gabriel Fauré à son épouse [p. 248] : J'ai entrepris un quatuor pour instruments à cordes, sans piano. C'est un genre que Beethoven a particulièrment illustré, ce qui fait que tous ceux qui ne sont pas Beethoven en ont la frousse [...]. Que peut-on dire par ailleurs des modifications du métier de musicien qui a certainement influé sur les rapports entre amateurisme et professionnalisme, les musiques de salon et de théâtre, et créé une situation musicalement profitable à des musiciens issus d'une population n'ayant pas à se soucier du lendemain.

Nous avons dans l'idée que l'un de buts du  livre de Viviane Niaux est de susciter de tels développements d'encourager l'analyse des musiques d'Onslow et leurs exécutions publiques. Ce sera peut-être le moment de s'interroger sur ce qu'est une «carrure franchement tonale» dans les années 1815 [p. 75], la tonalité romantique d' ut mineur [p. 110], ou la tonalité rassurante de Mi bémol majeur [p. 112].

Jean-Marc Warszawski
20 octobre 2003

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