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Jean-Marc Warszawski, 27 novembre 2007.

Françoise Tillard : Fanny Hensel

Fanny Hensel

TILLARD FRANÇOISE, Fanny Hensel, née Mendelssohn Bartholdy(préface par Gérard Condé).Éditions Symétrie, Lyon 2007 [430 p. ; ISBN 2-914373-20-1 ; 40 €].

Le grand-père, l'instituteur d'une école rabbinique. Pauvre parmi les pauvres juifs, pugnace à l'étude, il suit son rabbin à Berlin, sans aucune certitude quant aux moyens de survie.

Il devient un philosophe rMoses, est fils de econnu, un des principaux artisans de l'Aufklärung, et reçoit en 1763 sa « lettre de protection », octroi royal permettant aux juifs d'accéder au droit commun, dont ses enfants bénéficieront en 1787.

Il avait accompli le double tour de force d'échapper à l'obscurantisme de son milieu d'origine, et d'en imposer à cet autre obscurantisme, l'intolérance religieuse et raciale d'État. Cela était précieux, et par le jeu des alliances, de marchands en banquiers, Fanny, comme ses frères Félix et Paul et sa sœur Rebecka, naissent dans un milieu argenté, où l'on valorise, par-dessus tout,  l'instruction, la culture, l'art, l'esprit, vecteurs d'émancipation et d'intégration... mais où l'on n'a pas fait totalement table rase des traditions, comme en est l'autorité parentale étouffante.

Fanny Mendelssohn reçoit donc une éducation exceptionnelle pour le temps, devient une musicienne aussi performante que son frère Félix.

Tout ce qui pense, crée, les frères Humbold, Heine, Paganini..., passe par la maison des Mendelssohn à Berlin, qui est par ailleurs, à certaines époques, la première maison de concerts de la ville.

Mais, une femme de qualité, comme Fanny, peut briller de tous feux dans le cercle familial et amical, elle ne se donne pas en spectacle public, et ne fait donc pas une carrière musicale.

Ce livre peut-être parfaitement caractérisé par le mot de Paul Veyne : « l'histoire, c'est du roman, mais du roman vrai ». L'ouvrage se lit en effet comme un roman, il est très bien écrit, alerte, mais reste un livre d'histoire. Tout en développant un point de vue singulier, et les singularités, jusqu'au portrait psychologique, (tout ce qui fait roman) sur cette saga familiale, avec Fanny Mendelssohn comme personnage central, on ne perd jamais de vue le spécifique qui fait histoire. Le singulier est même mis au service du spécifique, l'anecdote, toujours au service d'un propos construit, n'y est jamais gratuite.

L'auteur est servie par des archives de choix. Dans cette famille on écrit beaucoup, on correspond abondamment, Fanny tient un journal, et tout cela est d'une grande intelligence, parsemé de traits d'esprit, érudit, ouvert sur la vie sociale et politique, exceptionnellement moderne (le souffle des Lumières). Mais l'auteur s'est aussi donné les moyens de la dynamique historique par la connaissance problématique (qui va bien au-delà de la consultation des notices de dictionnaire) de ce qu'était la Prusse, la vie berlinoise, les mouvements intellectuels et artistiques, la culture allemande. C'est en fait, toute une société qui est ici discutée, dont on apprend beaucoup.

Et puis, ce voyage en Italie, tant désiré, tant préparé se réalise enfin, après la mort d'Abraham, le père. Climax lentement amené du livre, le séjour à Rome est aussi l'apogée du bonheur de la vie de Fanny Hensel, où par son esprit et ses qualités artistiques, elle est au centre de l'attention, des soirées, des fêtes, parfois à la Villa Médicis, sous la houlette d'Ingres, son directeur d'alors, avec le déjanté Charles Gounod, se pâmant d'admiration à ses pieds, et découvrant grâce à elle, la musique de Johan Sebastian Bach.

Fanny Hensel est une femme émancipée, à la pointe de la modernité, pour son époque, mais ne sort pas de l'histoire, c'est à dire reste raisonnable, peut-être au contraire de sa sœur Rebecka.

Issue d'un milieu modeste, elle aurait peut-être mené une carrière publique, dit le livre, mais il ajoute : hypothèse d'école, car elle n'aurait pas alors bénéficié de l'éducation et de l'apport du milieu qui furent les siens.

Si comme l'a écrit Louis Aragon : « La femme est l'avenir de l'homme », tout montre que Félix Mendelssohn a été de cet avenir, et qu'il ne serait certainement pas devenu le compositeur qu'il fut, sans la coopération de sa sœur.

Jean-Marc Warszawski
27 novembre 2007


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