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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte.

I. De la Renaissance au premier xviie siècle : Espagne et Portugal

Antonio de Cabezon (1510-1566)

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Figure emblématique de l'Espagne du Siècle d'or, célèbre claviériste au service de Charles Quint et de Philippe II, Cabezon est vu avant tout comme le fondateur de l'école d'orgue espagnole en même temps qu'un lointain précurseur des Sweelinck, Byrd ou Frescobaldi.

Organiste aveugle, il fut musicien de la cour successivement à Avila puis à Madrid, mais voyagea beaucoup en Europe à partir de 1548, se joignant aux déplacements royaux en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas puis en Angleterre où il devait même séjourner un an et demi lorsque Philippe II épousa Marie Tudor. Des voyages qui furent autant d'occasions d'échange et d'enrichissement, et certainement une grande chance pour un musicien venant d'un pays qui avait de tout temps souffert d'un certain isolement géographique.

S'il écrivit par ailleurs un bon nombre d'œuvres vocales, Cabezon a surtout composé un vaste ensemble de pièces à destination instrumentale, dont une partie seulement nous est parvenue à travers deux recueils : l'anthologie publiée en 1557 par Luis Venegas de Henestrosa sous le titre Libro de cifra nueva para tecla, harpa y vihuela, laquelle contient une quarantaine de pièces de Cabezon, et celle publiée en 1578 par le propre fils du compositeur sous le titre Obras de Musica para tecla, harpa y vihuela deAntonio de Cabezon, un recueil qui comporte un nombre important d'œuvres de celui-ci (plus de deux cents). Le fils laissant entendre qu'il ne s'agit là que de « miettes tombées de la table » de son père, on se dit que notre homme a dû être particulièrement prolifique, et qu'il reste peut-être des trésors à découvrir.

Œuvres pour clavier

Si nous parlons d'œuvres pour clavier, c'est que leur destination n'est pas uniquement l'orgue (para tecla voulant dire « pour instruments à touches »…), ce qui légitime l'exécution d'un certain nombre de ces pièces au clavecin. Mais le terme est un peu réducteur puisque l'auteur lui-même indique la possibilité de les jouer à la harpe ou à la vihuela, une attitude assez courante en ces temps reculés où les compositeurs laissaient volontiers une grande liberté quant au choix du ou des instruments, ce qui fait d'ailleurs que, dans le cas de Cabezon, certains interprètes  sont allés - et parfois avec bonheur — jusqu'à faire exécuter ses œuvres par un groupe instrumental.

Quoi qu'il en soit, c'est bien l'interprètation au clavier qui est la plus communément admise pour cette musique de réputation savante et austère mais dans laquelle, au-delà de la densité de la polyphonie et de la rigueur extrême du contrepoint, on perçoit une certaine liberté de ton en même temps que l'ardeur et la gravité caractéristiques des mystiques espagnols.

En outre, on ne peut qu'être sensible à la variété des pièces de Cabezon, entre les fameux tientos, les pièces de franche destination liturgique et les variations (diferencias) sur des airs de danse de l‘époque ou sur des mélodies profanes.

Variations (Diferencias)

Souvent fondées sur des airs tirés des cancioneros alors très en vogue en Espagne, les variations, dont les plus célèbres sont les Diferencias sobre Las Vacas, celles sobre el canto Llano del Cavallero et celles sobre el canto de La Dama le demanda,  se situent d'emblée à un niveau d'accomplissement qui ne pourra guère être dépassé. Et on pourrait presque en dire autant des glosas, autres séries de variations écrites par Cabezon sur des chansons françaises.

Diferencias sobre Guardame Las Vacas, Enrico Baiano (clavecin)

 

Diferencias sobre el canto Llano del Caballero, Amaya Fernandez Pozuelo (clavecin).

 

Diferencias sobre La Dama le demanda, Jose Miguel Moreno (vihuela)

 

Susana, Enrico Baiano (clavecin).

Tientos

Quant aux tientos, cette forme typiquement espagnole qui se développa, avec diverses variantes, tout au long du Siglo d'oro, ils représentent dans leur ensemble ce que Cabezon a composé de plus accompli. Dans un cadre privilégiant le monothématisme comme dans le ricercar, il y fait preuve d'une capacité d'invention illimitée appuyée sur une fantaisie contrapuntique proprement stupéfiante. Certes, ces œuvres restent marquées par une austérité toute castillane, mais on résiste difficilement à « ce lyrisme intériorisé où se reflète la noblesse caractéristique de l'Espagne. »1

Tiento VII del quarto tono, Enrico Baiano (clavecin)

 

Tiento del quinto tono, Robert Hill (clavecin).

 

Tiento LXII de segundo tono, Andrés Cea Galan, orgue Francisco Ortiguez (1750), église Santiago de Castano del Robledo, Huelva, Espagne.

 

Tiento XII sobre el Com Sancto Spiritu de Beata Virgine, de Josquin
Enrico Baiano, clavecin

Notes

1. Adélaïde de la Place, dans « Diapason  » (455), janvier 1999.


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Mardi 10 Novembre, 2020