Antonio Vivaldi, Six concertos pour flûte à bec. Hugo Reyne. La Simphonie du Marais. La Simphonie du Marais 2013.
Enregistré du 27 au 29 septembre 2010 à l'église de Mormaison.
Je ne suis ni un fan, ni un militant de la musique dite baroque, qui englobe sous une même étiquette de marchand de disques, des esthétiques différentes. Le prosélytisme, voire le culte et ses prescriptions de bienséance — plus que l'académisme — qui a fini par accompagner ce réel mouvement musical, quant aux instruments anciens, à l'historicisme ou à l'authenticité, m'agaceraient même.
Je ne crois pas à la reconstruction historique, dont il manque les modèles sonores. Par ailleurs, même avec la meilleure volonté du monde, nous ne pouvons pas nous transmuter dans les dispositions d'un mélomane du XVIIe siècle, pas même en imagination. Il est étonnant de parler de musique ancienne diffusée à la radio ou à la télévision ou en cédé.
Dans le fond, ce que prouveraient les baroquistes, ce n'est pas le passé de leurs amours musicaux, mais son intemporalité. En réalité, quelques soient la source des inspirations et motivations des artistes — qui sont indiscutable, du moins devraient l'être — leurs réalisations sont modernes.
C'est donc le modernisme — je ne parle ni de mode ni de « dernier cri » — qui nous touche. S'interroger sur le passé est une pratique moderne. C'est simple, les musiciens du XVIIe siècle n'ont pas fouillé les fonds des bibliothèques musicales pour y puiser leur inspiration, ce sont les musiciens d'aujourd'hui qui le font.
La modernité du baroquisme, qui s'épuise quelque peu par une règlementation académique et scolaire inévitable, a résidé après 1968, dans sa marginalité, voire sa provocation, mais répondait bien à cette envie qu'avait la jeunesse d'aller voir ailleurs. Il y avait la simplicité assez bon enfant des concerts, et surtout cette idée géniale et téméraire (un peu baba cool) de se réapproprier les instruments anciens (on s'est aussi réapproprié les instruments populaires).
Avec les modernistes de l'avant-garde, les baroquistes ont contribué à libérer les horizons sonores d'un académisme institutionnalisé dans un XIXe siècle, où les élites pensaient avoir atteint la fin de l'histoire et la perfection des manières. En se posant non plus la question sur la bonne et vraie façon de se tenir à l'instrument, mais sur la bonne manière de faire sonner la musique, ils ont inventé et imposé un son particulier et acquis une virtuosité, qui peut leur permettre aujourd'hui de déborder leurs répertoires d'origine.
On peu comprendre l'émotion que ressent Hugo Reyne à jouer une flûte à bec du XVIIIe siècle, ou des instruments contemporains de luthiers de talent, mais ce qui nous parvient d'abord est l'opposition de la rondeur sonore d'un orchestre homogène à cette flûte à bec, quelque peu rustique à nos oreilles, à la technologie primaire, aux raideurs quant à l'articulation, la justesse, l'égalité de timbre.
Autre opposition attrayante, celle de la simplicité de l'instrument contre la virtuosité (on ne peut pas dire ici déconcertante, bien au contraire) d'Hugo Reyne, d'un bel effet sensuel.
Enfin, ce sont des concertos de Vivaldi qui a composé plus de cent concertos pour flûte, flûte à bec, flautino, viole d'amour, basson, mandoline, trompe marine, aussi virtuoses et rutilants — voire douloureux dans les mouvements lents — que ceux pour violon.
Mon tout est est un cédé séduisant.
Extrait du premier mouvement Allegro du concerto en la mineur (plage 15).Jean-Marc Warszawski
21 août 2013
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