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9 décembre 2013 par Frédéric Norac ——

Somnolence romantique : Manfred de Schumann à l'Opéra-Comique

Ni Byron ni Schumann n'avaient conçu ce Manfred comme une œuvre de théâtre. C'est Franz Liszt qui eut l'idée de le porter à la scène en 1852 à Weimar. Plus près de nous, Carmelo Bene — l'acteur et dramaturge italien — grand spécialiste des monologues où il pouvait donner libre cours à sa mégalomanie artistique conçut en 1978, pour la Scala de Milan, la version sur laquelle s'appuie la production de l'Opéra Comique. Elle intègre de façon organique  poème et musique et offre l'occasion d'un authentique travail théâtral.

Manfred opéra comique Pascal Rébéric dans Manfred, Opéra-Comique de Paris, décembre 2013. Photographie © Julienne-Étienne.

Avec Bene, la démesure de l'acteur génial qu'il était rejoignait et faisait vivre la folie du héros qui avait tant fasciné le compositeur à la raison déclinante. Dans la vision qu'en donne Georges Lavaudant, il s'agit d'une sorte de cauchemar dont  le héros incarne la totalité des personnages. Ceux-ci s'expriment par sa voix ou plutôt par ses voix. Comme un authentique démiurge, il invoque et fait apparaître les esprits de la montagne, les figures des trépassés dont sa bien-aimée Astarté - la seule autre voix parlée sur le plateau. C'est au fond l'image de son moi tourmenté que le héros coupable et révolté en quête d'une issue — mort ou délivrance — projette ainsi hors de lui.

manfredPascal Rébéric dans Manfred, Opéra-Comique de Paris, décembre 2013. Photographie © Julienne-Étienne.

C'est dans un climat nocturne troué d'une lueur fantomatique où se distinguent à peine quelques images mouvantes que le metteur en scène implante cette errance immobile. Quelques scènes brillant d'un éclat sombre dans ce parti-pris d'obscurité — comme l'apparition de la fée des Alpes,  d'Arimane ou celle de l'Abbé de Saint Maurice — viennent de temps en temps sortir le spectateur de l'insidieuse torpeur que finit par susciter ce monologue tout d'immobilité et de chuchotements.

ManfedPascal Rébéric dans Manfred, Opéra-Comique de Paris, décembre 2013. Photographie © Julienne-Étienne.

La performance de Pascal  Rénéric dans le rôle-titre est certes méritoire, son jeu sur les voix remarquable, mais elle ne suffit pas tout à fait à porter ce texte obscur dont les enjeux sont d'une autre époque. Astrid Bas lui donne une réplique honnête mais n'a pas le caractère éthéré que l'on attendrait à un être surnaturel, comme La fée des Alpes, ou l'apparition du fantôme d'Astarté.

manfred Pascal Rébéric dans Manfred, Opéra-Comique de Paris, décembre 2013. Photographie © Julienne-Étienne.

Le spectacle distille au compte-gouttes la magnifique et très évocatrice musique de Schumann qui est le seul élément à avoir traversé le temps sans dommage. La Chambre Philharmonique paraît en deçà de sa réputation avec des sonorités un peu sèches et un coloris décidément bien mat. Un excellent septuor de solistes et des chœurs superlatifs — Les Eléments de Joël Suhubiette — ne parviennent pas à sauver ce spectacle qui semble souvent,  malgré sa brièveté — tout juste une heure vingt ! — interminable et en cette période d'hibernation porte parfois le spectateur fatigué à la somnolence.

manfredPascal Rébéric dans Manfred, Opéra-Comique de Paris, décembre 2013. Photographie © Julienne-Étienne.

Prochaines représentations les 11, 12, 14 et 15 décembre

Spectacle enregistré et diffusé par France Musique le 26 décembre à 20h.

Plume Frédéric Norac
9 décembre 2013


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