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7-8 octobre 2001 —— Jean-Marc Warszawski.

Stockhausen, Dieu et le diable

On peut attribuer les propos de stockhausen — qui ont scandalisé, à des brumes métaphysiques ou à l'étourdissement produit par la ronde des quatre hélicoptères de son Helikopter-Streichquartett. On verra cela depuis son site, mais encore dans un article de Die Zeit que le directeur de la radio / télé WDR3 renvoie automatiquement (?) à ceux qui protestent contre le boycott du compositeur.  

Personnellement je reste terre-à-terre. Je trouve aussi que toute cette histoire est une grande œuvre diabolique (le diable se fait parfois personne(s) dit par ailleurs Stockhausen) : le brouillage des pistes, la confusion entre victimes et coupables, celle des causes et des effets, des fous de Dieu(x) et de guerre(s), de la vérités et des mensonges, la disqualification des discours par les actes engagés (la doctrine et les prodiges) etc.

On peut aussi tomber très bas, ainsi sur le site Altamusica :

27 septembre 2001 : Stockhausen se défend. Suite à sa boulette au sujet des évènements tragiques du World Trade Center de New-York (relire la brève du 19 septembre), le compositeur conteste une interprétation qu'il estime tendancieuse de ses propos sur son site. Les germanistes pourront apprécier la transcription de la conférence de presse où il décrivait donc les attentats comme « le plus grand chef-d'œuvre de Lucifer ».

Alors boulette ou pas boulette ? Reste que son rappel du « rôle de la destruction dans l'art » et le parallèle avec Lucifer en dit long sur sa conception de la musique. Si l'impact de celle-ci devait se mesurer à son pouvoir de destruction (des formes, des repères du public, quand ce n'est pas le public lui-même.), il faut reconnaître que l'on a souvent frisé de parfaites réussites au siècle précédent.

On peut aussi prendre de la hauteur, comme toujours avec Diderot. On verra que l'on prête à Karlheinz ce qui était déjà dans la conversation de Jacques et de son maître. Donc un extrait de Jacques le fataliste

Jacques — Eh bien ! monsieur ?

Le Maître — Eh bien ! rien n'est plus sûr que tu es inspiré : est-ce de Dieu, est-ce du diable ? Je l'ignore. Jacques ami, je crains que vous n'ayez le diable au corps.

Jacques — Et Pourquoi le diable ?

Le Maître — C'est que vous faîtes des prodiges, et que votre doctrine est fort suspecte.

Jacques — Et qu'est-ce qu'il y a de commun entre la doctrine que l'on professe et les prodiges qu'on opère ?

Le Maître — Je vois que vous n'avez pas lu dom La Taste.

Jacques — Et ce dom La Taste que je n'ai pas lu, que dit-il ?

Le Maître — Il dit que Dieu et le diable font également des miracles.

Jacques — Et comment distingue-t-on les miracles de Dieu des miracles du diable ?

Le Maître — Par la doctrine. Si la doctrine est bonne, les miracles sont de Dieu ; si elle est mauvaise, les miracles sont du diable.

Ici Jacques se mit à siffler, puis il ajouta : — Et qu'est-ce qui m'apprendra à moi, pauvre ignorant, si la doctrine du faiseur de miracles est bonne ou mauvaise ? [...]

*Louis Bernard de la Taste était un théologien (1692-1754)

Et dans l'imaginaire ?

En faisant la guerre à la bête, Golaud s'est perdu [1] :

Je ne pourrai plus sortir de cette forêt !

Dieu sait jusqu'où cette bête m'a mené.

Je croyais cependant l'avoir blessée à mort ; et voici des traces de sang.

Mais maintenant, je l'ai perdue de vue, je crois que je me suis perdu moi-même, et mes chiens ne me retrouvent plus.

De toutes façons, il est définitivement perdu. Il est le seul à ne pas le savoir encore (quoique). Est-ce Dieu, est-ce le diable quoi lui souffle cette idée :

Je vais revenir sur mes pas.

Est-ce Dieu Dieu qui dit dans son langage de signes de signes prends tes jambes à ton cou, ou le diable, plus chaud, plus convivial : viens par là mon gars, je vais te faire voir un truc.

Quand on connaît la suite, on sait que ce n'est ni la Raison, ni le bon sens qui a dicté une telle idée à Golaud. Peut-on revenir sur ses pas sans payer cher ce déni du temps ? En vérité il ne revient pas sur ses pas, il court vers son destin.

J'entends pleurer...

Oh ! oh ! qu'y a-t-il là au bord de l'eau ?

Une petite fille qui pleure au bord de l'eau ?

Œuvre de Dieu, œuvre du diable ? Ils se sont tout de même bien partagé le morceau jusqu'au dernier acte ces deux larrons.  Et bien fort qui dira ce qui revient à l'un et à l'autre.

En dehors de la métaphore ?

Cette petite fille est peut être une de ces muses qui découvrirent la musique au bord de l'eau (comme le rapportent quelques auteurs du Moyen-Âge). Si c'en est le cas, ça penche du côté du diable.

Voilà pour Stockhausen.

Jean-Marc Warszawski
7 / 8 octobre 2001

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1 - Il s'agit de l'opéra de Debussy Pélleas et Mélisande. Le texte cité est le tout début du livret.

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