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5 Germinal an x, Opéraphile se fâche contre le Conservatoire qui ne reste pas sans voix

 

Le Russe à l'Opéra, ou réflexion sur les Institutions musicales de la France, brochure que le Conservatoire a refusé de faire imprimer à ses frais (Le Courrier des Spectacles 5 Germinal an X (26 mars 1802)

Il appartenait au siècle des beaux-arts de créer un théâtre ou la triple union de la poésie, de la danse et de la musique en augmenterait les charmes. Sous les auspices de Louis xiv, l'Opéra fit entendre les vers de Quinault et les accords de Lully ; la poésie lyrique ft alors à sa perfection ; mais la musique naissait à peine parmi nous. Pour hâter les progrès de l'art des Orphées, on sentit le besoin des écoles de chant ; et l'on établit des maîtrises dans les cathédrales.

En apprenant la musique aux élèves des cathédrales, on soignait encore leur éducation et tout genre. Des inspecteurs étaient chargés de veiller sur leur conduite et de cultiver leurs mœurs comme base éternelle des talents. Que le conservatoire est loin de présenter ce mode d'enseignement ! Là on réunit de jeunes garçons et de jeunes filles de 12 à 18 ans sans craindre de porter atteinte à leurs mœurs, et de distraire leur esprit par le trouble des passions naissantes.

Ce n'est pas ainsi qu'on forme des élèves ; en outre il est démontré que le Conservatoire ne parviendra jamais à fournir des acteurs à nos grands théâtres : chaque sujet, d'après un calcul exact, reçoit quarante heures de leçons par an.

Les écoles cathédrales, ce vrai conservatoire de la France, ne coûtaient rien à l'état. L'établissement de la rue Bergère, qui ne produira jamais que des instrumentistes et des maîtres à système, coûte au gouvernement 500.000 francs par an, sans compter l'immense terrain qu'il occupe en pure perte. Avec ces fonds, on pourrait établir des écoles départementales, et soutenir le grand théâtre des arts, qui fera toujours l'admiration des étrangers.

Les départements ont le droit de réclamer cette faveur, dont seule la ville de Paris a pu jouir jusqu'à présent. Pourquoi aurait-elle le privilège de créer des artistes ? ne lui suffit-il pas de conserver celui de les perfectionner ?

Quant aux instrumentistes, le but du conservatoire est sans doute de former une légion de virtuoses futurs, que le gouvernement entretiendra quelques années, pour donner ainsi la facilité de promener leurs talents dans les divers pays d'Europe. D'ailleurs, sur cent instrumentistes, à peine un dixième est destiné à égaler un jour les Rode, les Frédéric, les Salentin, les Lefèvre ; les Sorne, les Levasseur, etc. Il est reconnu de tous les artistes, que le meilleur moyen d'avoir des virtuoses, est celui qu'on employait avant l'existence du Conservatoire, les leçons particulières. Sans elles nous n'aurions ni les Baillot, ni les Lamarre, ni les Demeuse, etc.

Nous ne laisserons pas échapper une considération importante. Dans les ci-devant cathédrales, lorsqu'un enfant avait atteint l'âge de 12 à 14 ans, sans marquer un véritable talent pour la musique, on le renvoyait à ses parents ; et il avait encore le temps d'apprendre un état. Aujourd'hui on veut faire des musiciens en dépit de la nature ; on les bourre, pour ainsi dire, de leçons ; et la plupart de ces pauvres diables, pour trancher le mot, au sortir du Conservatoire ne trouveront pas de quoi vivre.

Laissons les seuls artistes faire des musiciens de leurs enfants, et il y en aura assez pour ne pas craindre d'en manquer.

(la suite au prochain numéro)

 

Le Russe à l'Opéra, ou réflexion sur les Institutions musicales de la France, brochure que le Conservatoire a refus de faire imprimé à ses frais : suite (Le Courrier des Spectacles 6 Germinal an X (27 mars 1802)

Pour créer enfin une éducation musicale, il faudrait fonder une école principale dans chaque département, et rétablie au théâtre des Arts l'école musicale et dramatique dont le Conservatoire n'offre aucune trace. En effet, de quoi s'occupe-t-on au Conservatoire ? On y chante des airs et même des scènes sans songer à l'action, sans même soigner l'articulation scénique, aussi n'envoyez vous sortir que des chanteurs de concert. Ce n‘est point ainsi que furent instruits nos Laïs, nos Chéron, nos Leinez, ces acteurs qu'on peut nommer grands artistes.

Comme Framery l'a très bien remarqué, il suffit de développer de la sensibilité dans la musique théâtrale, c'est de la chaleur, c'est de l'âme qu'il faut déployer pour produire l'effet dramatique.Est-il en ce genre un meilleur modèle à proposer que Lainez ? Cet acteur en qui l'Opéra voit son le Kain, n'aura jamais de successeurs, si l'on ne rétablit pas eu théâtre des Arts l'école de chant dont le ministre de l'Intérieur Lucien Bonaparte avait senti la nécessité.

Dans cette école telle qu'elle existait autrefois, les maîtres devaient être compositeurs pour apprendre aux acteurs à exercer leurs rôles poétiquement et musicalement ; en les faisant chanter ils les pénétraient des caractères des divers personnages qu'ils représentaient, ils surveillaient leur prononciation et les formaient au maintien théâtral. Au conservatoire, les élèves n'apprennent guère qu'à roucouler des ariettes et à faire des grimaces en multipliant les gargarismes.

Comme on perle beaucoup en ce moment de la haine du Conservatoire contre l'Opéra, il est bon d'en offrir la preuve par les deux anecdotes suivantes.

Plusieurs jeunes cantatrices de taille de te figure convenable au théâtre, après s'être fait recevoir dans les chœurs de l'Opéra, se sont présentées au Conservatoire pour y prendre des leçons de chant. Le croirait-on ? Elles ont été repoussées sous le prétexte qu'elles avaient déjà chanté à l‘Opéra.

Ces jours passés un jeune homme bien pourvu du côté de la taille et de la figure se présente au Conservatoire ; on lui demande : Quelle est votre voix ? — Haute-contre — Et bien ! Vous ne serez point reçu le Conservatoire n'en veut plus former, et les compositeurs de cet établissement ne travaillent plus pour ce genre de voix.

Ainsi les amateurs de l'opéra-tragique seront forcés de renoncer à entendre désormais les chefs-d'œuvre de Gluck, des Piccini, des Sacchini, et les belles compositions des le Moine, des le Sueur, des Fontenelle.

N.B. Nous reviendrons encore sur le brochure du Russe à l'Opéra, dont la lecture nous a fourni plusieurs idées intéressantes à développer

Opéraphile

 

Le secrétaire du Conservatoire de musique au rédacteur du Courrier des spectacles (Le Courrier des Spectacles 7 Germinal an X (28 mars 1802)

Citoyen, l'administration du Conservatoire de musique, d'après le vœu des membres de cet établissement, désire que vous veuillez faire connaître à vos lecteurs :

1o qu'il est faux que le Conservatoire de musique coûte environ 500.000 fr. par année ; il est porté au crédit du ministère de l'Intérieur pour 230.000 fr., toutes les dépenses comprises ;

2o qu'il y a un bureau de surveillance permanent dans le conservatoire, pour la police des élèves ;

3o que les femmes reçoivent l'instruction dans un corps de bâtiments séparé de celui contenant les classes des hommes ;

4o qu'il y a une salle adhérente aux classes des femmes pour recevoir les parents ou surveillants des élèves-femmes ;

5o que lorsque le besoin de l'enseignement exige la réunion des deux sexes pour l'étude, les parents ou surveillants sont appelés à rester dans les classes où ces réunions ont lieu

6o que depuis la fondation du Conservatoire, aucune atteinte n'a été portée aux mœurs, dans son enceinte.

Une réponse plus détaillée aux articles calomnieux insérés dans vos feuilles des 5 et 6 germinal courant, serait une injure au Gouvernement, qui a revu l'an viii, tous les détails de l'organisation de cet établissement public et qui en surveille l'exécution.

Je vous salue.

Vinit

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