À propos du site

S'abonner au bulletin
Collaborations éditoriales

Biographies
Encyclopédie musicale
Discographies

Articles et études
Textes de référence

Analyses musicales
Cours d'écriture en ligne

Annonces & annuaires
Téléchargements

Vu et lu sur la Toile
Presse internationale


Colloques & conférences






Nouveaux livres
Périodiques

Rechercher sur rfm

Exact

Résultats/page

Bulletin Officiel
Journal Officiel
Bibliothèque de France
Library of Congress
British Library
ICCU (Opac Italie)
München (BSB)
BN Madrid
SUDOC
Pages jaunes
Presse internationale

© Musicologie.org, 2004
Site conçu et administré par  Jean-Marc Warszawski

bandeau texte
proposer un texte      s'abonner au bulletin      retour à l'index par auteur

VUILLERMOZ ÉMILE
Hector Berlioz

Dans Émile Vuillermoz, «Histoire de la musique»
«Les grandes études historiques»
Arthème Fayard, Paris 1949 [8e édition], p. 232-240

Le mouvement romantique de l'Europe Centrale avait pu trouver une expression complète dans le langage de la musique pure. Schubert, Schumann, Mendelssohn, Weber, Liszt et leur voisin Frédéric Chopin traduisirent l'état d'âme caractéristique des « enfants du siècle » avec le seul secours des notes : en France, le romantisme musical fut beaucoup plus imprégné de littérature et de peinture. Ce n'est qu'à travers la poésie, l'épopée, le drame, le mélodrame et le tableau que nos compositeurs ressentirent les effets du délire fébrile qui s'était répandu comme une affection contagieuse parmi les artistes de cette époque.

Plus que tous les autres, Hector Berlioz, le plus représentatif des musiciens romantiques de chez nous, nous offre un exemple frappant de cette transmutation des valeurs et de cette création au second degré. On a même pu se demander, sans paradoxe, si l'auteur des Troyens n'avait pas été victime d'une erreur d'orientation professionnelle en embrassant la carrière de compositeur alors qu'il aurait pu réussir tout aussi brillamment, mais avec une technique plus parfaite, dans les lettres ou les arts plastiques.

Rien, d'ailleurs, ne semblait le désigner impérieusement, à sa naissance, comme un héritier d'Orphée. Ce fils d'un médecin de la Côte Saint-André ne donna, pendant son enfance, aucun signe sérieux de vocation musicale. Un flageolet l'amusa pendant quelque temps, mais lorsqu'il voulut s'initier aux rudiments de la théorie et étudier le mécanisme des accords sur sa guitare il fut très vite découragé. Ce n'est qu'à Paris où son père l'avait envoyé faire ses études de médecine qu'il éprouva, à dix-neuf ans, un choc émotif violent en entendant, à l'Opéra, les tragédies lyriques de Gluck. Il est instructif d'observer que la révélation de son art ne lui vint pas de l'audition de chefs-d'œuvre de musique pure comme ceux de Mozart, de Haydn, de Bach ou de Haendel mais fut provoquée par des spectacles pen- dant lesquels le dramaturge lyrique cherchait, de son propre aveu, à oublier qu il était musicien. C'était ce mélange d'exaltation littéraire, théâtrale, picturale, verbale et plastique survoltée par la déclamation chantée qui enivrait le jeune étudiant dont la  sensibilité vibrante était bouleversée par ces contrepoints de sensations et d'émotions.Ce sont les mêmes transpositions littéraires qu'il chercha dans les symphonies de Beethoven qui s'y prêtaient complaisamment et qui furent pour lui un second noyau de cristallisation pour ses rêves tumultueux. Enfin, le grand opéra romantique wébérien , avec sa fantasmagorie satanique, acheva de lui indiquer la route qu'il devait suivre .Désormais, il traduirait dans le langage des sons les visions fiévreuses et les images volcaniques dont son cerveau étaitrempli.

Les parents du jeune Louis Hector qui semblent avoir servi de modèles aux inoubliables portraits que Jules Renard nous a laissés de M. et de Mme Lepic ne s'étaient pas résignés immédiatement à ce brusque changement de vocation. Pendant de longues années, l'imagination déjà naturellement surchauffée du musicien fut portée à l'incandescence par les entiment qu'il jouait le rôle pathétique d'un révolté et d'un martyr. Et, à dater de cet instant, nous voyons le caractère du plus déconcertant des artistes se développer dans un sens tortueux où abondent les illogismes et les contradictions.

Décidé à apprendre honnêtement son métier, Berlioz entre, à vingt-trois ans, au Conservatoire où il profite mal du solide enseignement de Reichamais où il trouve en Lesueur le maître le plus apte à favoriser ses tendances, car l'auteur d' Ossian avait un goût très vif pour la musique descriptive, les formidables ensembles vocaux et instrumentaux, les couleurs orchestrales violentes, les échelles modales et les scènes de l'antiquité grecque et latine. Aussi l'ex-maître de chapelle de Napoléon accueillit-il avec une bienveillance particulière ce disciple qui partageait son enthousiasme pour les spectacles grandioses et les recherches extra-musicales.

Effervescent, bouillonnant, névropathe et mythomane, Berlioz commence à jouer le «double jeu» qui nous désorientera pendant toute son existence mouvementée et qui consistera à ne pas se croire lié dans ses actes par les conceptions théoriques, les dogmes tranchants et les paroles enflammées dont il se grise. Avec son prrofil agressif, son nez en bec d'aigle, ses yeux d'acier bleui, son menton volontaire, ses lèvres minces et sa chevelure orageuse aux reflets roux, il est en possession d'un masque admirable de conquérant. et d'insurgé. Il ne manquera pas de multiplier les jeux de physionomie héroïques et d'adopter le vocabulaire impétueux et offensif qui conviennent à un homme armé d'un tel visage de proue. Mais ces manifestations extérieures suffisent parfaitement à régulariser le régime du moteur à explosions qui actionne cet adolescent dont la tur bulence cache une sagacité d'impresario intrigant et un sens fort avisé de ses intérêts.

C'est ainsi qu'en entrant au Conservatoire, dans cet asile de « podagres », dans cet antre de l'obscurantisme, dans ce « temple officiel de la routine» qu'il exècre et qu'il voue à l'écroulement, il devient, tout en rugissant et en lançant le feu par les narines, le plus docile et le plus patient des candidats au concours de Rome. Avec son sens pratique de Dauphinois, il s'est juré d'obtenir cette récompense à laquelle sont attachés des avantages matériels qui le tentent. Pendant quatre ans, après chaque échec, il reviendra sagement sur la ligne de départ, sans se laisser décourager par le dédain du jury et, à la quatrième tentative, en 1830, il passera le poteau en s'écriant fièrement: «L'Institut est vaincu! »

*

Si l'on veut juger sans colère cet être d'exception il faut faire un sérieux effort pour se résigner, une fois pour toutes, à ses hyperboles rocambolesques, à ses atti- tudes théâtrales, à ses mensonges puérils et à ses impostures calculées dont la déloyauté et le cynisme sont fort irritants. Adolphe Boschot, qui a reconstitué, jour par jour, la vie de Berlioz avec une conscience admirable et une documentation inattaquable, n'a eu aucune peine à démontrer la fausseté des renseignements tendancieux que le compositeur nous a donnés sur ses faits et gestes dans ses Mémoires résolument trompeurs et à dévoiler les tares du caractère un peu trop astucieux de ce comédien né, sans cesse en représentation pour se faire applaudir dans des rôles avantageux. Ces révélations, dont quelques-unes sont assez affligeantes, n'altèrent pas, d'ailleurs, chez l'historiographe de ce simulateur une indulgence qu'il n'arrive pas toujours à nous faire partager.

Les rodomontades et les hâbleries de Berlioz cachent, hélas ! un destin douloureux. Cet artiste, admirablement doué pour souffrir, a mené une triste existence. La vie, cependant, n'avait pas été cruelle pour lui et lui avait, au contraire, offert sans cesse des chances dont il n'a pas su tirer parti. Dès le début de sa carrière, il trouve en Lesueur, non seulement un maître éclairé mais un guide sûr et un ami d'un dévouement et d'une générosité rares. Avant même d'entrer au Conservatoire, le jeune étudiant avait pu, grâce à son appui, faire exécuter une Messe avec orchestre à l'église Saint-Roch, aubaine assez exceptionnelle pour un apprenti-musicien de vingt- deux ans. A peine terminées, les Huit scènes de Faust de ce débutant inconnu sont éditées chez Schlesinger. Il organise au Conservatoire des Festivals de ses œuvres avec des orchestres de cent dix musiciens. Sa Tempête est inscrite au programme d'un grand concert à l'Opéra. Il fait exécuter avec le plus éclatant succès sa Symphonie Fantastique avant même de se rendre à la Villa Médicis dont son prix de Rome venait de lui ouvrir les portes. Voilà pour un petit provincial un assez encourageant départ.

A la Villa, son directeur, Horace Vernet, le prend en affection, excuse toutes ses incartades, couvre ses fautes, se fait le complice amical de ses indisciplines et de ses désertions. A son retour à Paris, il se fait immédiatement un nom dans la critique musicale ; il compose Harold en Italiequi est aussitôt joué devant un public de choix; il devient chroniqueur aux « Débats », au « Rénovateur », à la « Gazette Musicale» et au « Monde dramatique » le duc d'Orléans, Liszt, Meyerbeer et la direction des Débats assiègent pour lui Duponchel, directeur de l'Opéra, et, malgré sa résistance, l'obligent à recevoir Benvenuto Cellini avant même que la partition en soit terminée ; un ministre de l'Intérieur lui ayant demandé d'écrire un Requiem pour six cents exécutants et son successeur ayant annulé la commande, Berlioz lance le duc d'Orléans à l'assaut du ministère et rétablit aussitôt la situation ; ses protecteurs et ses fidèles font des miracles, les « Jeune-France» le portent en triomphe ; les concerts d'orchestre consacrés à ses œuvres se multiplient: au cours de l'un d'eux le glorieux Paganini, l'idole de la foule, entre en scène, s'agenouille devant lui et lui baise la main ; on lui fait donner une sinécure : la place de Conservateur de la Bibliothèque du Conser vatoire et on lui offre, à trente-cinq ans, la croix de la Légion d'honneur ; il écrit Roméo et Juliette qui est instantanément interprété par deux cents exécutants avec un succès triomphal ; sans perdre de temps il se fait donner par le gouvernement la commande d'une Symphonie funèbre à la mémoire des victimes de la Révolution de Juillet. L'œuvre est jouée avec faste par deux cents musiciens habillés en soldats et cet orchestre héroïque défile dans les rues de Paris, précédé par Berlioz qui bat la mesure avec un sabre.

La fortune semble se lasser un instant. La mort lui enlève quelques amis puissants, Benvenuto n'a pas été un succès, il commence à fatiguer le public par son arri- visme un peu indiscret et son insatiable appétit de gloire : qu'à cela ne tienne, il changera de cheval de bataille. Le voilà parti à l'assaut des forteresses étrangères. Il est reçu magnifiquement à Bruxelles, attaque Mayence, Francfort, Stuttgart, Carlsruhe, Mannheim, Weimar, Leipzig, Dresde, Brunswick, Hambourg avec plus ou moins de bonheur, bénéficie de l'appui fraternel de Mendelssohn, de Schumann et de Liszt et termine sa campagne d'Allemagne par un séjour triomphal à Berlin qui lui procure un mois d'apothéose.

Rentré en France, il dirige, à l'Exposition des Produits de l'Industrie, un orchestre gigantesque et Franconi lui ouvre pour des festivals spectaculaires son Cirque Olympique. Nouveau départ pour l'étranger, deux mois de Victoire à Vienne, éclatante réussite à Prague, triomphe total à Budapest où les Hongrois sont bouleversés par la façon dont ce Français a traité leur Marche de Racoczy. Il revient à Paris où il achève la Damnation de Faust aussitôt jouée à l'Opéra-Comique ; fructueuse campagne de Russie, concerts rémunérateurs à Moscou et Saint-Pétersbourg ; engagement de chef d'orchestre et concerts à Londres ; Liszt organise une splendide « semaine Berlioz » à Weimar ; le théâtre de Bade lui commande Béatrice et Bénédict ; sa « trilogie sacrée » l' Enfance du Christ est créée avec un grand succès ; il est élu membre de l'Institut ; écartés de l'Opéra, ses Troyens sont aussitôt accueillis au Théâtre lyrique et de nouvelles tournées à l'étranger terminent cette carrière dont un dieu bienveillant semble avoir surveillé l'ordonnance avec la plus attentive sollicitude en remettant à l'étrier le pied de ce cavalier fougueux chaque fois qu'il était désarçonné. Professionnellement, Berlioz bénéficia de constantes faveurs, du destin.

*

Mais avec toutes ces « chances» il fut le plus malheureux des hommes. Les inestimables appuis qui lui furent assurés, son infatigable entregent de « démarcheur », sa technique publicitaire effrontée, ses audacieux mensonges de commis voyageur et de placier sans scrupules, son étonnante virtuosité dans la pratique anticipée de ce que nous appelons aujourd'hui le bluff n'empêchèrent pas le public de se détourner souvent de lui avec une indifférence insultante et ne le sauvèrent pas d'une fin assez misérable après une vieillesse amère et aigrie.

De plus, il déséquilibra sa vie en y introduisant successivement, avec une naïveté et une maladresse insignes, deux compagnes encombrantes et acariâtres. A vingt-quatre ans, il s'était épris d'une tragédienne irlandaise, Harriett Smithson, belle créature sans talent dont la jeunesse était le seul attrait. Elle avait repoussé ce soupirant agité que l'on prétendait épileptique. Il tomba alors aux mains d'une coquette, la gracieuse Camille Moke, qui le dupa avec une allègre désinvolture. Il revint alors à sa tragédienne, prématurément épaissie, vieillie et professionnellement discréditée. Pour se l'attacher, il l'épousa, la rendit mère et se créa un foyer infernal. Las des persécutions de cette matrone adipeuse, jalouse et injurieuse, il l'abandonna pour une cantatrice sans voix, Maria Recio, qui le réduisit au plus humiliant esclavage, voulut être l'interprète exclusive de ses œuvres, le chambra, lassa tous ses amis, compromit le succès de ses entreprises et l'obligea à commettre de véritables bassesses pour imposer sa collaboration indésirable aux organisateurs de ses tournées. La responsabilité personnelle de Berlioz dans les déceptions que lui apporta sa carrière est donc assez sérieusement engagée. Mais, encore une fois, qu'il ait été ou non l'artisan de sa propre infortune, l'artiste qui « gâcha» les extraordinaires possibilités que lui offrit le sort mérite notre compassion, car son existence ne fut  que la lente et pitoyable « marche au supplice» dont il avait noté, d'avance, à vingt-sept ans, le rythme désespéré.

*

La place qu'occupe dans l'histoire de la musique française l'auteur de la Damnation de Faust est considérable mais n'est pas celle qui lui est généralement assignée. Comme Beethoven, Berlioz est devenu l'idole des littérateurs et, par là même, leur prisonnier. Son exaltation frénétique, le choix de ses sujets, son lyrisme spectaculaire présentent pour un auditeur à l'oreille peu éduquée un indéniable attrait : les musiciens souffrent, au contraire, de la maladresse de son écriture, de la gaucherie de son style, de l'incohérence et du désordre de sa composition. La lecture d'une par tition de Berlioz au piano dénonce ces vices de forme originels. La pauvreté de sa pensée, l'indigence de la substance purement musicale de ses œuvres apparaissent alors en pleine lumière. Mais, dès que l'orchestre s'empare de ces médiocres propos, tout se trouve miraculeusement transformé. Il possède un tel génie de colo riste qu'un instinct infaillible le guide dans le choix des timbres. instrumentaux. Il éprouve alors en présence d'un paysage ou d'un sentiment des réactions de peintre. Par l'opposition saisissante de leurs rayons et de leurs ombres certaines pages orchestrales de Berlioz parlent à la rétine autant qu'au tympan et c'est une des raisons de leur succès populaire.

On a voulu faire de lui le créateur du poème symphonique : nous avons vu, en étudiant l'apport de Liszt dans ce domaine,que la recherche de la paternité de cette formule nous conseille de réserver cet honneur à l'auteur de Mazeppa et des Préludes plutôt qu'à celui de la Fantastique ou de Lélio. La morphologie des symphonies de Beethoven exerça toujours sur Berlioz, architecte peu inventif, une influence trop tyrannique pour lui permettre de créer une forme nouvelle. Il est également bien arbitraire de chercher à faire de Wagner son obligé dans le domaine de la composition. Certes, le génie orchestral de ce Delacroix du timbre n'a pu laisser indifférent aucun de ses contemporains et tout compositeur sensible à la. couleur a dû étudier sa palette avec intérêt. Certains musiciens russes reconnaissent avoir puisé d'utiles conseils dans son beau « Traité d'instrumentation ». D'autre part il a donné de magnifiques exemples d'orchestratIon pittoresque ou expressive. Mais, musicalement, il serait bien difficile de découvrir dans toute sa production des trouvailles de vocabulaire susceptibles d'être utilisées par des techniciens qui parlaient couramment une langue beaucoup plus riche et plus originale que la sienne. Adrien Barthe, qui fut un remarquable professeur d'harmonie au Conservatoire de Paris, a noté ce souvenir qui en dit long sur l'étrange façon dont l'auteur de Benvenuto pratiquait la composition. Berlioz l'ayant rencontré, un jour, le pria de venir chez lui entendre un fragment des Troyens qu'il était en train d'achever : « Je tiens à vous montrer cela, lui dit-il, mais je vous préviens, je n'ai pas encore trouvé les accords ! » L'amateur le plus maladroit hésiterait à faire un pareil aveu qui trahit une organisation musicale singulièrement rudimentaire.

Berlioz est un indépendant qui, par sa nature même, ne pouvait faire école. Et ce splendide isolement fut le drame de sa vie. On connaît l'incident « dantesque et shakespearien» qui matérialisa, au seuil de son tombeau, l'amer et hautain symbole de sa destinée. Le jour de ses obsèques, les deux chevaux attelés à son char funèbre s'emportèrent brusquement à l'entrée du cimetière Montmartre. Lancé au galop, le corbillard s'évadant du cortège et arrachant les cordons du poêle aux mains d'Ambroise Thomas, du baron Taylor, de Reyer et de Gounod, pénétra seul orgueilleusement seul, dans le champ de repos pour conduire le musicien à sa dernière demeure. La scène aurait rempli d'une sombre fierté l'auteur de la Damnation ! Mais, au fond, « ces deux noirs chevaux prompts comme la pensée», nous les reconnaissons. Ils s'appellent Vortex et Giaour, et n'est-ce pas Berlioz lui-même qui les avait choisis pour pouvoir, du fond de son cercueil, leur donner dans sa « course à l'abîme» le signal de cette suprême révolte ? Magnifique façon, pour un artiste romantique, d'entrer dans l'au- delà... et dans la gloire !

Car c'est à larges foulées que le compositeur méconnu va désormais s'élancer vers l'immortalité. Aussitôt après sa disparition, ses œuvres triomphent partout. Son théâtre, qui n'est pas la meilleure partie de sa production, n'arrive pas à s'imposer chez nous, mais ses ouvrages symphoniques sont sans cesse à l'honneur . La Damnation de Faust, La Symphonie Fantastique, l'Ouverture du Carnaval Romain, l'Enfance du Christ, Roméo et Juliette et le Requiem obtiennent, sur toute la surface du globe, un succès inépuisable et mérité. L'élan fougueux des deux coursiers funèbres a renversé toutes les barrières qui avaient jusqu'alors séparé de la foule ingrate ce visionnaire enivré qui, pourtant, n'avait travaillé que pour elle !