Symphonie no 3, « héroïque », en mi bémol majeur, opus 55, 1. Allegro con brio, 2. Marcia funebre, 3. Scherzo, 4. Finale, composée de 1802 à 1804, créée le 7 avril 1805 au Theater an der Wien, sous la direction du compositeur, dédicacée au prince deLobkowitz.
Ébauchée dès 1802, et achevée en mai 1804, cette grandiose symphonie, à laquelle Beethoven attribua initialement le sous-titre « Buonaparte », était conçue comme un monument à la gloire du grand « libérateur » de l’Europe, mais tout changea lorsque, trahissant l’idéal de la Révolution, le « héros » d’hier se fut fait sacrer empereur. Ainsi apparut son titre définitif de Sinfonia Grande, Eroica, per festeggiare il sovvenire di un grand’ Uomo, et, par la même occasion, le compositeur remplaça la « Marche triomphale » qui constituait le deuxième mouvement par la grande « Marche funèbre » qui lui a valu une part de sa célébrité.
On l’a dit et redit : cette œuvre, qui fait éclater les cadres de la symphonie classique, marque un tournant majeur dans l’œuvre de Beethoven et dans l’histoire de la musique. Comme il se doit, elle fut très mal accueillie par la critique de l’époque qui la trouva « assommante, interminable et décousue ». Or ce qui frappe l’auditeur d’aujourd’hui, « c’est la stature de chacun des quatre mouvements de l’Eroica, le caractère beaucoup plus intérieur des thèmes, l’apparition de dissonances insistantes et l’apothéose du thème du ballet Les Créatures de Prométhée dans le finale, qui est à la « Marche funèbre » du deuxième mouvement ce qu’une résurrection est à la mort. Beethoven a fait de l’Eroica un manifeste des idéaux révolutionnaires et du mythe de Prométhée, introduisant une subjectivité tragique dans une œuvre sans précédent dans la musique instrumentale par sa durée (une cinquantaine de minutes), son énergie rythmique, l’importance de ses développements, la puissance de sa construction : il n’est paradoxalement pas de musique plus pure, qui trouve son intensité et sa puissance de développement organique dans le seul fait d’être musique. »220
Dans cette œuvre magnifiquement architecturée, chacun des quatre mouvements revêt un égale importance, et mériterait bien sûr de plus amples commentaires qui seraient l’occasion, par exemple, de noter l’apparition de deux « penchants » typiques du Beethoven plus tardif, d’une part pour le style fugué (présent, du moins fugitivement, dans les deux premiers mouvements et dans le finale), et de l’autre pour l’art de la variation (dont l’esprit domine le finale). Mais, à défaut d’analyse détaillée, un coup de projecteur s’impose au moins sur deux moments d’exception : la formidable « Marche funèbre », page d’une éloquence poignante où « les cordes graves et les clartés tranchantes des bois s’opposent tour à tour ou s’interpénètrent en d’étranges alliages », et l’éblouissant scherzo où, « à la vitesse effective du morceau, allegro vivace, les points sonores ne s’entendent pas un à un, ils deviennent étincelles d’une flamme, matière sonore nouvelle, palpitante, qui fuse, qui se déploie et se transforme dans le temps par gerbes entières… »221
Ludwig van Beethoven, Symphonie no 3, « Héroïque », en mi bémol majeur opus 55, par le Philadelphia Orchestra, sous la direction de Ricardo Muti.Michel Rusquet
23 décembre 2019
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220. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (270), novembre 2002.
221. Boucourechliev André, Beethoven, « Solfèges », Éditions du Seuil, Paris 1963, p. 47.
Les symphonies : no 1, en ut majeur, opus 21 ; no 2, en ré majeur, opus 36 ; no 3, « héroïque », en mi bémol majeur, opus 55 ; no 4, en si bémol majeur, opus 60 ; no 5, en ut mineur, opus 67 ; no 6, en fa majeur, « Pastorale », opus 68 ; no 7, en la majeur, opus 92 ; no 8, en fa majeur, opus 93 ; no 9, en ré mineur, opus 125.
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