vendredi 28 octobre 2016
vendredi 28 octobre 2016
Chopin étant mort le 17 octobre 1849, on se recueillera en musique pour le 167e anniversaire de sa mort, dans le lieu même de ses funérailles. Trois œuvres sont au programme :
Le Requiem de Mozart, l'Ode funèbre et 2 préludes de Chopin, et une œuvre fort rare de Sigismund Neukomm « Élégie harmonique pour orgue expressif ou piano, à la mémoire de notre ami Fréderic Chopin », composée en 1850.
Thomas Tacquet sera à l'orgue de chœur, l'Orchestre Hélios et le Choeur de Paris sont placés sour la direction de Till Aly.
Par Maria Witt ——
Dans une lettre à son maître bien-aimé de Varsovie Joseph Elsner (juillet 1840), Chopin confie, à propos du Conservatoire de Paris «… il y règne un état d'esprit hostile à toutes œuvres importantes, sauf à celles des grands morts. C'est pourquoi nous n'entendrons de sitôt ni du Mendelssohn, ni du Schneider, ni de l'Elsner ». Pour des raisons obscures les éditeurs français de cette lettre (écrite originellement en polonais) ont omis le nom de deux personnes énumérées par Chopin. Il s'agit de Sphora (….) et surtout de Neukomm.1
Sigismund Ritter von Neukomm, aujourd'hui plus ou moins oublié, fut à son époque une célébrité de l'Europe musicale. Une raison de s'en souvenir ce jour est l'admiration réciproque entre Chopin et lui et plus particulièrement avec une « Élégie harmonique pour piano ou orgue expressif » composée en 1850, « À la mémoire de notre ami Fr. Chopin ».
Autrichien, né à Salzbourg, Neukomm commence l'étude de la musique dès l'âge de 7 ans, il a été organiste titulaire à moins de 16 ans de l'église universitaire de Salzbourg, élève de Michel Haydn puis, à partir de 1797 de Joseph Haydn à Vienne « qui l'aima d'un amour paternel » — son meilleur élève (lettre de Chopin du 19 août 1848). Après Vienne, il passe quelque temps en Russie et en Allemagne, puis de retour à Vienne il rend visite àJoseph Haydn peu avant sa mort en 1808. Il vint ensuite à Montbéliard (domaine du roi de Wurtemberg), en passant par Munich, Augsbourg et Bâle, et à partir depuis 1809 nous le retrouvons à Paris.
Ses débuts parisiens et surtout son entrée dans le monde suivis de la célébrité rappellent le parcours de Chopin à Paris, dans la mesure où ils étaient tous les deux sous la protection de la même femme. C'est à la princesse de Vaudémont (qui vingt ans plus tard introduira Chopin dans les salons de Paris), que Neukomm doit avoir été engagé par Talleyrand.
Il restera le musicien attitré du prince et en 1814 l'accompagnera au Congrès de Vienne. C‘est à cette occasion qu'éclate sa notoriété mondiale. En effet, le 21 janvier 1815 dans la cathédrale de Saint-Étienne, son grand Requiem en ut mineur « à la mémoire de Louis XVI », fut joué par plus de trois cents chanteurs, répartis en deux chœurs. Cette célébration eut lieu devant l'empereurs, les rois, les princes des nations présentes au congrès. Ce moment solennel commémorait l'anniversaire de la mort du roi Louis XV, il avait été organisé à la demande du prince de Talleyrand.
Louis XVIII anoblit le compositeur et le fit nommer chevalier de la Légion d'Honneur.
Le prince de Talleyrand, devint pour lui, par la suite, un serviteur dévoué, chez lequel au Château de Valençay près de Paris il trouva pendant plus de 20 ans gîte et couvert, « ce qui ne m'empêcha pas, pendant ce temps, de faire différents voyages. Son palais était le point de réunion de toutes les sommités. » On lui prête parfois un rôle d'agent secret à la solde de Talleyrand.
Neukomm lui-même reconnait être un grand voyageur mais tout au long de sa vie « compose là une quantité d'ouvrages religieux avec une grande persévérance, malgré mes excursions répétées », dont un séjour de plusieurs années au Brésil. Il partagera ses dix dernières années entre Londres, Allemagne, Paris, en passant par Constantinople.
Des l'âge de 26 ans il notait régulièrement ses opus dans un catalogue, qui comptait à la date 3 avril 1858, jour de son du décès plus de 2,000 numéros selo,n ses dire (en réalité plutôt 1300). La plupart de ses œuvres sont de nos jours oubliés.
Quand en 1830 le prince est nommé ambassadeur de France en Angleterre, son compositeur attitré l'accompagne à Londres. « Mes oratorios, ainsi que d'autres de mes compositions principales, furent exécutés à toutes les grandes fêtes musicales en Angleterre, en Irlande et en Écosse » écrit Neukomm dans ses mémoires, ce que confirme Chopin dans sa lettre précédemment citée à Joseph Elsner en parlant de l'Angleterre. (La) « … on joue des oratorios et (…) à juste titre estime ce genre de composition. Il y est facile de réunir mille chanteurs à cette fin et Neukomm et Mendelssohn y sont plus connus qu'Adam et Halévy ». Et Chopin ajoute : « A Birmingham, il est une salle construite expressément pour de telles auditions. Neukomm y a fait placer, il y a quelques années des orgues immenses ».
Rien d'étonnant qu'en arrivant en Angleterre en 1848 Chopin, désargenté, ait craint la concurrence du grand organiste et qu'il ait espéré que Neukomm, ne nuira pas à son affaire lors de son concert à Manchester (août 1848) : « Je me suis fait engager pour le 29 à Manchester où un grand concert doit avoir lieu. J'y jouerai deux fois sans orchestre et cela me rapportera 60 livres. (…) Neukomm y est — pourvu qu'il n'improvise pas le même jour, je compte gagner mes 60 livres. » Heureusement Neukomm est parti la veille.
Pourquoi avoir dédicacé une œuvre à Chopin, le compositeur de trente ans plus jeune que Neukomm, si ce n'est parce qu'il a reconnu son génie ?
L'œuvre que nous allons entendre ce soir, sera jouée à l'orgue de chœur de l'église par Thomas Tacquet, a été éditée à Paris par Richault probablement en 1851.
Maria Witt
Paris, octobre 2016
1. Correspondence de Frédéric Chopin, Richard Masse, Paris 1981, t. III, p. 27.
Biographie de Sigismund Neukomm dans musicologie.org
Ses mémoires, dans musicologie.org
Biographie de Frédéric Chopin dans musicologie.org
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