Laurence Malherbe. Photographie © Ledroit-Perrin.
Nul de sait vraiment comment le pianiste Marseillais Didier Castell-Jacomin, passé par la classe houleuse mais classieuse de Fausto Zarda à la fondation CIEM Mozart de Lausanne, a pris racines voici une vingtaine d'années à Maastricht. Tombé d'un camion entre la philharmonie de Berlin et le Concertbouw d'Amsterdam ? D'un avion revenant du Carnegie Hall de New York ? Ou porté poussé navigué par le flot qui n'est pas toujours poétique de la Meuse au creux d'un petit panier d'osier ? Aujourd'hui bien installé entre tulipes, stroopwafel, broodje haring et frikandel speciaal, il organisait en cette mi-juin grégorienne et foot-ballienne, le premier « Triptiek rondom de piano » au Theater aan het Vrijthof, le grand théâtre de Maastricht, dirigé par Hugo Haeghens.
Trois concerts, avec beaucoup de piano et même plusieurs pianos, étaient organisés dans la Bovenzaal, judicieusement aménagée dans les combles du théâtre, salle aux 150 places d'un intimisme chaleureux et de bonne acoustique.
Vendredi soir, le maître des cérémonies donnait le nocturne no 2 opus 6 de Clara Schumann, qu'il a d'ailleurs enregristré en 2012, au sein d'un beau programme, salué et récompensé par la critique, consacré à des compositrices1, avec le Quatuor Marsyas, le quintette opus 44 de Robert Scumann, et du même la Fantasiestück, opus 73, avec Stijn Saveniers (violoncelle).
Le lendemain en début d'après-midi, la violoniste Elena Lavrenov2 et les pianistes Joël Capbert3, Ashot Khachatourian4, Melaine Dalibert, ont joué la sonate pour violon et piano en sol majeur de Guillaume Lekeu, la sonate pour deux pianos de Francis Poulenc, les variations sur un thème de Paganini de Witold Lutosławski et Scaramouche pour deux pianos de Darius Milhaud.
Michèle Pondepeyre et Laurence Malherbe, Bovenzaal, Theater aan het Vrijthof, Maastricht, 11 juin 2016. Photographie © jmw.
En fin d'après-midi, nous avons porté en vrai nos oreilles au Theater aan het Vrithof. Laurence Malherbe, qui vient de publier en compagnie d'un gang d'acolytes un chef-d'œuvre de rock progressif inspiré par le Winterreise de Franz Schubert5, cette fois pas rockeuse ni baroqueuse mais pure mezzo-sopraneuse, présentait un florilège d'airs des xviie et xviiie siècles surtout italiens (Scarlatti père, Caldara, Giacomeli, Marcello, Carisimi, Paisiello, Parisotti), mais aussi italianisants de Händel et Gluck, enfin après Abendempfindung de Mozart aux accents de Lied romantique, les « Tristes apprêts pâles flambeaux » (Castor et Pollux) de Rameau, « Venez venez, Haine implacable » (Armide) de Lully, et Plaisir d'amour de Martini.
Laurence Malherbe est une belle personnalité artistique portée d'envie et de goût, à l'esprit créateur, qui ne perd rien mais transforme tout, aux choix personnels, qui sait meubler la scène sa maison d'illusion et d'humanité (la vraie vie en quelque sorte). Parfaitement accompagnée par la délicate et très attentive Michèle Pondepeyre, héritant pour l'occasion d'un piano exceptionnel, elle a enchanté le public de la salle Boven, dans les combles du Théâtre de Maastricht.
Le prochain « Triptiek rondom de piano » de Maastricht est annoncé pour février 2018. Ces concerts ont été enregistrés, un cédé devrait suivre chez Marcal Classics, label dirigé par Marc Lipka.
De g. à d. : Elena Lavrenov, Ashot Khachatourian, Didier Castell-Jacomin, Michèle Pondepeyre, Melaine Dalibert, Laurence Malherbe, Joël Capbert, Sylvia (chauffeur bénévole de musicologie.org), et Hugo Haeghens (directeur du théâtre). Photographie © jmw.
Jean-Marc Warszawski
Maastricht, 12 juin 2016
1. Regards, Didier Castell-Jacomin (piano), œuvres de Cécile Chaminade, Mel Bonis, Clara Schumann, Marianna von Martinez. Continuo Classics 2012 (CC 777-703).
2. Aurélie Gilmard (piano), Elena Lavrenov (violon), œuvres de Baiwir, Ysaÿ, Franck, Vieuxtemps, De Bériot, Marsick, Massenet. Azur Classical 2015 (AZC 133).
3. Joël Capbert prépare un enregistrement : Les tableaux d'une exposition, de Moussorgski, 1re Partita de Bach, et des pièces de de Chopin. Sortie prévue en octobre 2016, sous le label Marcal Classics.
4. Un pianiste qui est en train de devenir une légende dans le milieu musical, admiré entre autres par Maria João Pires. Ashot Khachatourian (piano), Robert Stepanian (violon), Beethoven (sonate opus 24), Franck (sonate en la majeur), Massenet (Méditation de Thaïs), Azur Classical 2015 (AZC 127) ; Ashot Khachatourian (piano), Haydn (sonate no 52), Beethoven (six variations opus 34, sonate no 11), Azur Classical 2013 (AZC 114).
5. Laurence Malherbe, Schubert transgression. Laurent David (arrangements, basse), Quatuor Kadenza, Michele Pondepeyre (piano). Cristal classique 2012 (CRC 1006) ; Excursus : Winterreisefragment, avec Laurent David (basse), Faro (guitare), Éric Groleau (batterie), Antoine Delecroix (prise de son et mixage), Marcal Sound 2016.
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Lundi 13 Mars, 2023