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Le testament de Sagittarius : le Musikalische Exequien, de Schütz

Musikalische Exequien

Heinrich Schütz, Musikalische Exequien, Sagittarius, sous la direction de Michel Laplénie : Musikalische Exequien, Kleine geistliche Konzerte, Geistliche Chormusik Dialogus, Deutsches Magnificat, Hortus 2016 (HORTUS 131).

Enregistré en mai 2016 en l'église Saint-Gilles de Chamalières-sur-Loire.

29 octobre 20126, par Eusebius ——

Familier, pour ne pas dire intime, de Schütz depuis trente ans — le nom de son ensemble, « Sagittarius », est à lui seul un programme — Michel Laplénie nous donne en partage ce Musikalische Exequien, longuement mûri avec ses complices. Il signe ainsi une sorte de testament musical du groupe dont il a été l'âme. La concurrence est rude : un grand nombre d'ensembles baroques en ont enregistré leur version. Le plus souvent avec des voix adultes, ce que certains regrettent1, on atteint ainsi un niveau de qualité musicale auquel peu d'œuvres ont droit. La lecture la plus récente que nous offre Michel Laplénie ne se distingue pas fondamentalement de la plupart d'entre elles. Un chœur de 12 solistes, se muant aisément en double-chœur, quatre instruments (le violone, la viole de gambe, l'orgue et le théorbe) suffisent à restituer l'atmosphère recueillie, quasi intime. Les tempi sont généralement retenus, conférant une gravité indéniable à son interprétation. Cependant, le continuo uniforme, l'effectif le plus réduit amenuisent les contrastes et limitent les couleurs. La fluidité des alternances de trois et de deux temps est estompée, les rythmes sont marqués, comme si les syncopes et les contretemps (modernes) avaient eu quelque légitimité au XVIIe siècle2. Si la retenue qui préside début du double-chœur de la 2e partie « Herr, wenn ich nur dich », SWV 280, le prive quelque peu de sa dynamique, la progression spectaculaire le conduit à une conclusion jubilatoire d'une force rare. Le Cantique de Siméon, achève dans la confiance et la paix cette superbe page. Le parti-pris d'ascèse, légitime puisque la guerre de Trente ans a ravagé l'Allemagne, est ici poussé à son extrême limite. La qualité des voix, leur entente, leur équilibre sont exemplaires, soutenant aisément la comparaison avec celles des formations les plus renommées : nous nous situons ici au plus haut niveau.

La relative brièveté du Musikalische Exequien, conduit le plus souvent à y associer d'autres œuvres de Schütz ou de ses contemporains. Le choix de Michel Laplénie s'est porté sur quatre pièces où sont reprises des sentences bibliques déjà écoutées. Deux trios intéressants et rares, des Kleine geistliche Konzerte (SWV 298 et 321)(3), deux polyphonies de la Geistliche Chormusik : le motet bien connu Selig sind die Toten, et le plus rare Ich weiss, dass mein Erlöser lebt (SWV 393). Avant de conclure par l'ultime chef-d'œuvre, le Deutsches Magnificat, dans la grande tradition vénitienne du double-chœur, c'est une œuvre de jeunesse que l'on découvre avec bonheur, sur un texte du Cantique des Cantiques : le Dialogus (SWV 339) où quatre sopranos chantent l'épouse, à laquelle répondent trois voix d'hommes (alto, ténor et basse). Un programme particulièrement cohérent, donc, servi avec humilité et grandeur : le testament musical de Sagittarius.

Le livret (français-anglais), collé au cartonnage, avec les textes et leur traduction française, est introduit par un beau texte de Gilles Cantagrel. Malgré les quelques erreurs de catalogage déjà signalées, une belle réalisation que l'on recommande particulièrement en ces temps de fureur.

Eusebius
29 octobre 2016

Voir : Yvan Beuvard, Heinrich Schütz : Musikalische Exequien.

1. Mauersberger et le Dresdner Kreuzchor, jadis, et Wilson et ses Stuttgarter Hymnus Chorknaben plus récemment

2. Il est vrai que les éditions modernes (celle publiée chez Hänssler particulièrement), dans leurs conventions graphiques anachroniques, où les barres de mesure tranchent les mélodies confiées à chaque voix, peuvent avoir des effets très pervers. Le retour à l'édition originale (partiellement reproduite dans l'édition précitée), parfaitement lisible, constituerait un réel progrès.

3. et non pas 382-337 comme indiqué dans la plaquette, à signaler également le motet de la plage 8, SWV 393, le 391 concernant seulement Selig sind die Toten.

 

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