11 mai 2021 —— Frédéric Norac.
Al-Basma, Voyage au cœur d’Al-Andalus, Canticum Novum, sous la direction d'Emmanuel Bardon Ambronay 2021 (AMY 057).
Enregistré à l’Abbaye de Sylvanès en septembre 2020.
Al-Basma, c’est l’empreinte, en arabe. Celle que laissèrent quasiment six siècles de domination des musulmans omeyyades (du viiie au xiiiesiècle) sur la culture de la péninsule ibérique. Il devait en résulter une « concrétion » (pour reprendre le terme d’Annick Peters-Cushot dans la notice de ce disque) de plusieurs langues, religions, droits et traditions dans un même espace géographique allant bien au-delà des Pyrénées et dont témoigne ce programme.
L’ensemble Canticum Novum y associe dans une réjouissante alternance, chants issus de la tradition arabo-andalouse et chants extraits des grands codex parmi lesquels le Martin Codax, le Codex Calixtinus, ceux de Montpellier et de Pamplune et bien sûr les fameux Cantigas de Santa Maria d’Alphonse le Sage, roi de Castille. Ce qui les unit, au-delà de leur tradition d’origine ou de leur appartenance aux répertoires sacré ou profane, c’est bien sûr leur inspiration musicale, utilisant les mêmes rythmes, souvent de danse populaire, et le même instrumentarium (vièles et harpes, flûtes et kanoun, percussions orientales et européennes) dont on pourra apprécier toute la saveur au fil des différentes pièces comme l’introduction envoûtante de « Quantas sabedes » du Martin Codax ou celles purement instrumentales des Cantigas 105 « Gran pietad'e mercee » et 104 « Nunca ja pod’ aa Virgen ». De cette intégration culturelle un des plus beaux bijoux est sans doute, ce magnifique chant « Au, Deus se sab'ora meu amigo » que magnifient la voix de Barbara Kusa et le kanun de Spyros Halakis.
Chansons d’amour, notamment ces très beaux « cantigas de amigo » qui font entendre l’amour au féminin, chants de pèlerinage, chants sacrés ou de dévotion, c’est bien à un voyage hors du temps où s’effacent les frontières culturelles que nous entrainent Emmanuel Bardon et son ensemble, à travers des répertoires qui se fondent en un fascinant kaléidoscope chatoyant de couleurs et de formes. Venues d’un lointain passé, un Moyen-Âge idéal et presque rêvé, les voix de Barbara Kusa, Lise Viricel, Emmanuel Bardon et Bayan Rida, pour les pièces du répertoire arabo-andalou, merveilleusement soutenues par un ensemble instrumental d’une rare richesse sonore leur redonnent une vitalité fascinante.
Un seul petit regret sur ce disque dont certes l’écoute est si captivante qu’il pourrait se passer de tout support musicologique, pourquoi tout de même ne pas donner quelques éléments de datation et d’explication sur les pièces qui le composent ? L’émerveillement du néophyte ébloui (dont nous sommes) n’y aurait rien perdu à en savoir un peu plus.
Frédéric Norac
11 mai 2021
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Mercredi 12 Mai, 2021 21:55