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mercredi 31 août 2016

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Musique de chambre à Giverny 2016 : programme du 19 août

Ce programe a été joué vendredi 19 août 2016, à l'Église de Notre-Dame de l'Isle, sous le générique « Les sociétés Musicales françaises ».

Maurice Ravel : Quatuor à cordes en fa majeur, opus 35 (1902). 1. Allegro moderato - très doux, 2. Assez vif - très rythmé, 3. Très lent, 4. Vif et agité. Composé en 1902-1903, créé par le quatuor Heymann le 5 mars 1904 à Paris.

Solenne Païdassi (violon), Aylen Pritchin (violon), Kei Toôjô (alto), Michel Strauss (violoncelle).

Solenne Païdassi, Kei Toôjô, Aylen Pritchin, Michel Strauss. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Les doctes musicographes le disaient et nous aimions le répéter : composer un quatuor pour cordes est l'aboutissement de toute une vie d'artiste, la chose la plus difficile qui soit. Ravel qui n'en fit jamais qu'à sa tête aurait donc commencé, à 27 ans, par où il était dit de finir. Comme tout ce qu'il a composé, le quatuor en fa majeur est un chef-d'œuvre. Cet admirateur d'Erik Satie, dont on fête cette année le cent-cinquantième anniversaire, fait partie avec Claude Debussy et Gabriel Fauré son professeur, du triumvirat de la modernité musicale hexagonale, mais il est aussi l'héritier de Camille Saint-Saëns pour la clarté « classique », la précision, la rigueur perfectionniste de l'écriture. On leur a reproché d'être des « montres suisses » à la mécanique froide, manquant quelque peu de sensibilité.

Il est vrai que la musique de Ravel est un monde enchanté, élégant et raffiné, un plaisir du son, sans théâtralité dramatique, toute en ambiguïté. Ce quatuor parfaitement classique est pourtant très particulier : rien ne s'affirme, ne se développe, sinon par un traitement quasi cyclique et discret des thèmes. Des tonalités balayées par un esprit modal, des modulations surprenantes, des événements de tempo, de complexification, de dissonances. Ravel nous dit des choses nouvelles, voire incongrues, avec les bonnes manières du passé.

« Ah ! » écrit Vladimir Jankélévitch, « Que cette poésie est tendre et quotidienne ! Toutefois — nous trompons-nous ? Il y a déjà une pointe d'atticisme derrière tant de juvénile candeur. Le jeu tient-il ici aux caprices un peu espiègles, de la ligne mélodique avec ses paliers et sa quarte la-mi, au redoublement ingénu de la deuxième note du thème A, ou encore à telle discontinuité tonale surprenante que ne laissait prévoir aucune modulation ? est-il plutôt l'effet de certaines répétitions et marches d'harmonie, des crescendos et décrescendos, subits qui sont comme la respiration des phrases ? ou peut-être se révèle-t-il à cette idée expressive (B) et si imperceptiblement narquoise qui se prend à sourire dès le neuvième mesure à travers son harmonisation subtilement altérée ? En tout cas, il y a bien dans ces délices une volonté du badinage extérieur, de l'amusement pour l'oreille […] Cette vélocité perpétuelle, ces doubles croches, ces trémolos d'octaves ainsi qu'une certaine préoccupation décorative, tout cela accentue l'impression du divertissement et le souci d'être superficiel … » [Vladimir Jankélévitch, Ravel, « Solfèges » (3), Seuil, Paris 1956 (1982), p. 23-24]

Kaija Saariaho : Oi Kuu (Oh ! la Lune),  pour clarinette basse et violoncelle (1990). Dédicacé aux commanditaires  Kari Kriikku et  Anssi Karkttunen.

Bogdan Sydorenko, (Clarinette basse), Cameron Crozman  (violoncelle).

Cameron Crozman et Bogdan Sydorenko. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Musique de chambre à Giverny a eu l'honneur et le plaisir d'accueillir Kaija Saariaho lors de sa session de 2012, et d'entendre cette œuvre au sein d'un programme à la thématique déjà nocturne.

Kaija Saariaho a étudié à Helsinki, à Freiburg en Allemagne, et à l'IRCAM à Paris. Elle est une grande personnalité du monde de la musique d'aujourd'hui, son catalogue comprend plus de cent œuvres dans de nombreuses configurations orchestrales, y compris avec électronique, et plusieurs opéras sur des livrets d'Amin Maalouf mis en scène par Peter Sellars. Elle est bardée de médailles et de récompenses comme un général russe.

Sa musique s'inscrit dans le courant dit « spectral », inauguré dans les années 1970 par le compositeur Tristan Murail, toujours soutenu aujourd'hui par des compositeurs tels Hugues Dufour ou Suzanne Giraud. Il s'agit pour eux d'exploiter, beaucoup plus largement que ne le fait l'harmonie tonale, les ressources de la résonance sonore, et de penser la musique en « mélodie de  timbre » plus qu'en système solfégique de hauteurs de notes.

Oi Kuu (Oh ! la Lune) marque pour la compositrice une petite pause entre deux œuvres orchestrales d'envergure : Du cristal  en 1989 et À la fumée de 1990. Pour cette pièce elle a cherché un dénominateur commun entre la clarinette basse et le violoncelle : une harmonie basée sur les « multiphonies » de la clarinette, issues du jeu de plusieurs notes simultanées sur les instruments monodiques (en fait les harmoniques), et sur les transformations des couleurs sonores de ce dernier instrument.

Gabriel Fauré, Quintette avec piano en do mineur, opus 115, no 2. 1. Allegro moderato, 2. Scherzo, 3. Andante moderato, 4. Finale. Composition datée de septembre 1919 à février 1921, dédicacée à Paul Dukas, créée le 21 mai 1921 à Paris par le quatuor Hekking et le pianiste, ami de toujours, Robert Lortat.

Yun-Yang Lee (piano), Aylen Pritchin, Kaja Nowak (violons), Xavier Jeannequin (alto), Anastasia Feruleva (violoncelle).

Anastasia Feruleva. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Gabriel Fauré, dont la surdité a considérablement empiré depuis les premiers symptômes de l'été 1903, quitte la direction du Conservatoire national à la rentrée de 1920. Il y avait succédé à Théodore Dubois en 1905, puis en quelques années, redonné de l'éclat à l'établissement, fourvoyé un temps en école d'opéra. Il a enfin, selon lui-même, le temps de composer.

Cette œuvre de grande maturité, Fauré est âgé de 76 ans à la création, est en réalité fort juvénile, le public lui fait un triomphe inattendu. À juste titre. Elle compte parmi les plus grandes réussites du genre. Son ouverture en puissance, avec un premier thème mélodique des plus inspirés, opposé au second plus rythmique, son scherzo qui abolit pratiquement la tonalité (plutôt la modalité, chère au compositeur) par ses chromatismes et tons entiers, sa valse passagère, son finale ardent teinté d'ombre automnale, dont la composition mit en grand plaisir le compositeur…

Debussy considérait Fauré comme « le maître des charmes », ce « charme » Fauréen, ce « je ne sais quoi », cette « distinction ineffable » desquels  Vladimir Jankélévitch fit de si belles pages, dont la conclusion de son livre Fauré et l'inexprimable :

« La musique de Fauré apaise le tumulte passionnel, mais elle est elle-même passionnée. Souvent austère et généralement déroutante, elle cherche parfois à déplaire, et il s'en faut de beaucoup qu'elle soit toute suavité. Et pourtant, par le charme secret qui se cache dans sa profondeur, elle contribue à effacer la grimace de la haine. Nous qui ne sommes pas morts comme les morts, mais morts comme des vivants, c'est-à-dire laids, nauséabonds et cadavériques, elle nous délivre du souci ; elle délivre l'homme méchant de sa colère et le tremblant de sa terreur ; elle empêche le terroriste et le terrifié de tomber tous deux ensemble, dans le même lac obscur ; elle fait que nos âmes de trépassés retrouvent la joie et le repos […] Il est presque incroyable, à notre époque si désespérément sèche, qu'on puisse parler de charme et qu'une musique ose s'adresser fraternellement au cœur de chacun […] À condition, bien entendu qu'on en ait un. »

[Vladimir Jankélévitch, Fauré et l'inexprimable, Paris Plon, 1974, p. 364. L'auteur fait illusion aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale qui le laissèrent seul « sans même une photo de famille ».]

Jean-Marc Warszawski

Les concerts, programmes, photographies, extraits sonores

18 août ; 19 août ; 20 août après-midi ; 20 août au soir ; 21 août ; 24 août ; 25 août ; 26 août ; 27 août après-midi ; 27 août au soir ; 28 août ; article.

(Le démocrate Vernonnais) Musique de chambre : quel avenir pour le festival ?

Musique de chambre à Giverny.

 

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bouquetin

Vendredi 2 Septembre, 2016 1:39