bandeau texte

mercredi 31 août 2016

Recherche dans musicologie.org

  ▉ Nouveaux livres
  ▉ Nouveaux cédés
  ▉ Petites annonces

▉ Biographies musicales
▉ Encyclopédie musicale
▉ Analyses musicales
▉ Articles et documents
▉ Bibliothèque
▉ Presse internationale
▉ Agenda
▉ Analyses musicales

Musique de Chambre à Giverny 2016 : programme du 25 août

Ce programme a été joué le 25 aout 2016 à l'église de Saint-Pierre-d'Autils, sous le générique « Les anciens et les modernes »

Maurice Ravel, Trio en la mineur : 1. Modéré, 2. Pantoum : assez vif, 3. Passacaille : très large, 4. Final : animé. Composé entre le 3 avril et le 7 août 1914 à Saint-Jean-de-Luz, dédicacé à André Gedalge [son professeur de contrepoint], créé le 28 janvier 1915, Salle Gaveau à Paris, par Alfredo Casella, Gabriel Willaume, Louis Feuillard.

Yun-Yang Lee (piano), Aylen Pritchin (violon), Michel Strauss (violoncelle).

Aylen Pritchin, Yun-Yang Lee, Michel StraussAylen Pritchin, Yun-Yang Lee, Michel Strauss . Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Maurice Ravel, sans être révolutionnaire radical, est moderniste sans concession, mais il tient de Saint-Saëns, professeur de son professeur Gabriel Fauré, le sens de la clarté et de l'architecture formelle, l'extrême raffinement d'écriture. Ravel admirait les trios de Saint-Saëns.

Jusqu'à la guerre chacune de ses créations sera chahutée et sifflée, musique de cabaret dira-t-on. Il est vrai que Ravel admire des rustres comme Emmanuel Chabrier, Erik Satie avec lequel il se lie, Moussorgski dont il orchestre les Tableaux d'une exposition. Quand il n'est plus possible de faire la sourde oreille à son extraordinaire habileté, on dit alors que ce n'est que de la technique désincarnée, sans âme.

Maurice Ravel est entraîné : il échoue au Concours du Prix de Rome en 1901, 1902, 1903, dit ce qu'il en pense en 1904, et se représente en 1905 : un des membres de l'Institut déclare : « Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers : il ne nous prendra pas pour des imbéciles... » Cela déclenche un scandale. Romain Rolland s'engage pour la cause de Ravel … Ce qui est en fin de compte tout bénéfice.

Selon Ravel en personne, ce trio est l'aboutissement dérivé d'un projet inachevé sur des thèmes basques, Zaspiak Bat (Les sept provinces). Mais il faut un peu d'imagination pour les entendre.

On mesurera la froideur du technicien dès l'élégiaque premier mouvement engagé par un piano délicat et poétique. Le pantoum est une forme poétique stricte révélée par Victor Hugo dans laquelle le premier et le troisième vers de chaque quatrain deviennent respectivement second et quatrième du suivant, le dernier vers du poème reprenant le premier. Harmonie du soir de Baudelaire est souvent citée en exemple. Dans cet incroyable tourbillon et choc des émotions émerge un motif au caractère quelque peu andalou.

Retour symbolique au passé avec la passacaille, dont les huit mesures sont répétées onze fois : l'apogée grandiose et la conclusion sont d'une virtuosité d'écriture confondante et non sans pathos. Une fois n'est pas coutume.

La fougue et la densité orchestrale du final, sont ici entendues comme une explosion de joie vitale, là comme une rupture angoissée évoquant la Première Guerre mondiale, déclarée le 3 août 1914, alors que Ravel parachève son trio.

Maurice Ravel, Trio en la mineur. Premières mesures du quatrième mouvemernt.

 

Camille Saint-Saëns, Quintette avec piano en la mineur, opus 14 : 1. Allegro moderato e maestoso, 2. Andante sostenuto, 3. Presto, 4. Allegro assai, ma tranquillo. Composé en 1855, dédicacé à Charlotte Masson, première audition connue, 10 avril 1860, Salle Érard à Paris, par le Quatuor Armingaud et le compositeur au piano.

Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Fedor Rudin (violon), Solenne Païdassi (violon), Xavier Jeannequin (alto), Anastasia Feruleva (violoncelle).

Fedor Rudin, Anastasia Feruleva, Solenne Païdassi, Xavier Jeannequin, , Jean-Claude Vanden Eynden. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Certes, Camille Saint-Saëns est un bougon attardé du classicisme, qui n'a ni la langue ni le porte-plume dans la poche, bedonnant, badigeonné de barbe austère, parfois coiffé d'un melon embourgeoisant, il n'a, selon la photo, ni le physique ni l'allure de sa musique.

Ami de Franz Liszt, très actif dans le milieu musical, devenu anti wagnérien maladif, mais connaissant tout Wagner par cœur selon Wagner, il est un pianiste dont la virtuosité et la musicalité sont fêtées aux quatre coins des plus importantes salles de concert du monde, même aux Amériques. Les pianistes qui jouent Saint-Saëns sont au courant.

Saint-Saëns n'est pas un ringard ou un passéiste, il est un universaliste du classicisme qu'il porte à de tels sommets jamais entendus, que cela paraît tout neuf tout frais. Avant Ravel, son raffinement d'écriture, la maîtrise des formes et de la relation organique entre le détail et l'ensemble, sans aucune boursouflure, ni esbroufe sentimentale, lui ont valu, comme pour Ravel, la réputation d'être un mécanisme d'horlogerie sans âme.

Camille Saint-Saëns a vingt ans quand il compose ce chef-d'œuvre. Enfant prodige, il est déjà un musicien au métier affirmé. Le quintette est dédicacé à Charlotte Masson, sa tante pianiste, qui remplaça en quelque sorte le père, décédé trois mois après la naissance de son fils, et qui planta le berceau devant le piano. À dix ans, il donne ses premiers concerts Salle Pleyel, joue ses propres cadences dans les concertos de Mozart. Gounod est étonné par ce « gamin sans inexpérience, qui n'a pas connu d'enfance musicale ». Il entre au Conservatoire à l'âge de 12 ans, crée en 1853, sa première symphonie, il a 17 ans. Moins têtu que Ravel, il déclare forfait après deux échecs au Prix de Rome.

Le quintette avec piano (piano et quatuor à cordes), est un genre typiquement xixe siècle, même si l'archéologue creusant à la cuiller peut trouver des spécimens au niveau Johann Christian Bach. Le pécheur quant à lui sera plutôt Truite de Schubert, mais ramènera dans ses filets une contrebasse à la place d'un second violon. Au poids, c'est avantageux. Schumann, en 1842, adopte la configuration déjà établie du quatuor (deux violons, alto et violoncelle) dans son opus 44. Le premier quintette de Saint-Saëns s'impose comme une solide fondation du genre.

On pense parfois, après Jean Gallois (Saint-Saëns, Mardaga, 2004), que Saint-Saëns anticipe la technique cyclique, qui sera la signature de César Franck dès 1880, c'est-à-dire que différents mouvements se partagent un ou plusieurs thèmes. En réalité, il évoque les récapitulations des motifs thématiques, ici dans l'Allegro final, technique dérivée de la strette des fugues, exercice prisé par Saint-Saëns, qu'on ne peut assimiler à une structuration cyclique de la forme.

Une œuvre qui s'annonce en lever de rideau avec grandeur et effet de manche, revient à quelque humilité dans son second mouvement choral, revient à la charge dans le troisième, et nous étonne au final par son fugato.

Paul Landormy écrit : « … Cesserons-nous de discuter l'opinion qu'on peut s'en faire ? Un seul point hors de doute : Saint-Saëns fut peut-être le musicien le plus extraordinairement doué pour l'oreille, pour la mémoire, pour la virtuosité dans l'exécution et l'écriture qu'on ait jamais connu, et le plus précoce. Plus que Mozart lui-même ».

Camille Saint-Saëns, Quintette avec piano en la mineur. Fin du premier mouvement.

 

Jean-Marc Warszawski

Les concerts, programmes, photographies, extraits sonores

18 août ; 19 août ; 20 août après-midi ; 20 août au soir ; 21 août ; 24 août ; 25 août ; 26 août ; 27 août après-midi ; 27 août au soir ; 28 août ; article.

(Le démocrate Vernonnais) Musique de chambre : quel avenir pour le festival ?

Musique de chambre à Giverny.

 

musicologie.org
56 rue de la Fédération
F - 93100 Montreuil
06 06 61 73 41

ISSN  2269-9910

▉ Contacts

▉ À propos

S'abonner au bulletin▉ S'abonner au bulletin

▉ Collaborations éditoriales

▉ Cours de musique

▉ Téléchargements

▉ Soutenir musicologie.org

▉ Colloques & conférences

© musicologie.org 2016

bouquetin

Vendredi 2 Septembre, 2016 1:38