Musique de chambre à Giverny 2016 : programme du 26 août

Ce programme a été joué vendredi 26 août 2016 au Musée des impressionnismes de Giverny sous le générique « Les aurores boréales ».

Conférence scientifique de Fabrice Mottez : « Les aurores boréales ».

Passionné d'astronomie depuis l'enfance, Fabrice Mottez est chercheur au CNRS, exerçant son activité au « Laboratoire Univers et Théories » de l'Observatoire de Paris-Meudon. Il étudie les effets des champs magnétiques des étoiles et des planètes sur leur environnement. Commençant sa carrière avec l'étude des aurores polaires de la Terre, ce sujet ne l'a jamais quitté. Ses recherches portent également sur la planète Jupiter et son satellite Io, sur la simulation numérique, et sur les pulsars, environnement d'étoiles très petites et très énergétiques.

Pēteris Vasks, Castillo interior, duo, pour violon et violoncelle : composé en 2013, créé le 17 juillet 2014 à Bordesholm, dans le cadre du festival de musique du Schleswig-Holstein en Allemagne, par Patricia Kopatchinskaja (violon) et Sol Gabetta (violoncelle).

Kaja Nowak (violon), Michel Strauss (violoncelle).

Kaja Nowak, Michel Strauss. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Pēteris Vasks et né à Aizpute en Lettonie, où il étudie violon et piano, tout en composant ses premières œuvres. À Riga il opte pour la contrebasse, intègre l'orchestre de l'opéra de Lettonie, puis l'orchestre philharmonique de Lituanie, puis l'orchestre de chambre de la philharmonie de Lettonie. Après son service militaire, il joue au sein de l'Orchestre symphonique de la radio de Riga, puis réintègre le Conservatoire en classe de composition où il est nommé professeur en 1989, année de son premier voyage à l'Ouest. La suite est une liste de compositions (une centaine), de distinctions académiques, de Prix importants, en Lettonie, en Allemagne et en Suède.

Selon Pēteris Vasks, fils de pasteur, « La plupart des gens aujourd'hui n'ont ni foi, ni amour, ni idéaux. La dimension spirituelle est perdue. Je veux donner de la nourriture de l'âme. C'est ce que je prêche dans mes œuvres ».

Le titre de ce duo évoque le livre de la mystique Thérèse d'Avilla, Las Moradas del Castillo Interior, de 1577, traduit 55 ans plus tard en français par Jean de Brétigny en Le Chasteau, ou Demeure de l'âme.

C'est un long choral méditatif, un peu rêche, archaïsant, magnifiquement austère comme les bords de la Baltique où il a été conçu, dans une modalité désenchantée autour du l'accord de ré mineur, se suspendant sans insister, de proche en proche, à quelque optimisme ou à quelque à venir sur l'accord de la majeur cadentiel. Cette méditation est gagnée par un long tumulte, et reprend imperturbable. Une fois, deux fois. Le désordre s'épuise, devient silence. Vainqueur par KO, la méditation triomphe en ré majeur, tonalité solaire pour celles et ceux qui croient en l'éthos des modes. Pour les autres ce ne sera que ré-fa♯-la, mais pas moins rayonnant.

Jean Sibelius, Quatuor à cordes en ré mineur, opus 56, « Voces Intimae » : 1. Andante – Allegro moderato, 2. Vivace, 3. Adagio di molto, 4. Allegretto (ma pesante), 5. Allegro. Composé en 1909-1908, créé le 6 janvier 1910 à Berlin, par le Quatuor Cecil (de Prague), et le 25 avril 1910 à Helsinki.

Nikita Boriso-Glebsky (violon), Fedor Rudin (violon), Xavier Jeannequin (alto), Joris Van den Berg (violoncelle).

Nikita Boriso-Glebsky, Fedor Rudin, Xavier Jeannequin, Joris Van den Berg. © Jean-Marc Warszawski.

Savoir si l'alcool conserve ou s'il tue lentement est une problématique à laquelle on imagine difficilement une conclusion rationnelle. Des personnages comme Jean Sibelius ne facilitent pas la tâche des philosophes, puisqu'on peut dire de lui, mort à l'âge de 92 ans, qu'il fut bien conservé, mais aussi qu'il fut tué lentement, même très lentement. Sibelius prétendait que l'alcool était nécessaire à sa créativité, mais il est en état de mort artistique dès l'âge de 60 ans. D'où le roman de sa huitième symphonie promise ad libitum et reportée ad kalendas graecas. Mais qui sait ! Des aventuriers sont toujours à la recherche de cette œuvre mythique.

En 1907, aux dettes de jeu et à l'alcoolisme s'ajoute l'angoisse d'être atteint du cancer de la gorge, il subit plusieurs opérations. Il se jure alors de ne plus boire. Il se parjure en 1915.

Devenu un symphoniste glorieux, il n'a pas composé de quatuor depuis vingt ans. Il écrit à sa femme que son quatuor en ré mineur « est venu merveilleusement bien. C'est cette sorte de chose qui fera sourire même celui qui est sur son lit de mort ».

On peut en douter. Ce quatuor est une œuvre complexe où se mêlent les angoisses existentielles (peut-être aussi les affres du sevrage), et les incertitudes esthétiques d'une période de remise en cause artistique. Le sous-titre, « Voices Intimae », n'est pas un programme, il proviendrait d'une annotation du compositeur sur la partition offerte à un ami, au-dessus de 3 accords de mi mineur des mesures 21 et 22 du 3e mouvement adagio, le mouvement le plus concentré et touchant, voire déroutant de l'œuvre. Le nombre de cinq mouvements est rare, mais les deux premiers s'enchaînent directement, au terme d'un passage à l'austérité modale.

Contrairement à son habitude, Sibelius explore ici plutôt les registres graves. Il use de traits symphoniques, d'unissons. « J'aurais pu y mettre plus de quatuor », avoue-t-il (entendons plus de contrepoint).

Edvard Grieg, Fra Holbergs tid (« Au temps d'Holberg »), suite « dans le style ancien », opus 40, pour piano avec version orchestrale 1. Preludium ; 2. Sarabande ; 3. Gavotte ; 4. Air ; 5. Rigaudon. Composé en 1884.

Kaja Nowak, Fedor Rudin, Camille Fonteneau (violons 1), Nikita Boriso-Glebsky, Solenne Païdassi, Aylen Pritchin (violons 2), Vladimir Percevic, Kei Tôjô, Xavier Jeannequin (altos), Anastasia Feruleva, Cameron Crozman, Lisa Strauss (violoncelles), Szymon Marciniak (contrebasse).

Fedor Rudin, Aylen Pritchin, Camille Fonteneau, Solenne Païdassi, Nikita Boriso-Glebsky, Xavier Jeannequin, Vladimir Percevic, Kei Tôjô. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Vladimir Percevic, Kei Tôjô, Szymon Marciniak, Cameron Crozman, Joris Van den Berg, Lisa Strauss. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Holberg n'est pas un esprit de la montagne, un prince des neiges ou un elfe des fjords, c'est Ludvig Holberg, né à Bergen (comme Grieg), en 1684, fondateur des littératures danoises et norvégiennes en langue vulgaire, celle que les gens comprennent et parlent. Pour les festivités du bicentenaire de sa naissance, Grieg a composé une cantate, et ce pastiche personnel à la scandinave d'une suite française savoureuse, dont on ne se lasse pas d'écouter le lyrisme des thèmes et la volupté harmonique.

Hommage à la France, amour même qui se ternira un temps en 1899, Grieg refusant d'honorer l'invitation des Concerts Colonne, scandalisé par l'affaire Dreyfus. Le public parisien s'en souviendra et le sifflera en 1903. À part ça, en cette année 1884, il s'occupe activement à la construction de sa nouvelle maison.

Jean-Marc Warszawski

Les concerts, programmes, photographies, extraits sonores

18 août ; 19 août ; 20 août après-midi ; 20 août au soir ; 21 août ; 24 août ; 25 août ; 26 août ; 27 août après-midi ; 27 août au soir ; 28 août ; article.

(Le démocrate Vernonnais) Musique de chambre : quel avenir pour le festival ?

Musique de chambre à Giverny.